Remarques sur quelques aspects

linguistiques de l'épopée homérique

et sur leurs conséquences pour l'époque

de fixation du texte

André Sauge Collège de Saussure, Genève

Dans l'ouvrage que je publiais en 2000 chez Lang (Berne), dès le titre {L'Iliade, poème athénien de l'époque de Solon), j'annonçais une thèse qui heurtait de front la représentation que se fait la grande majorité des spécialistes d'Homère sur la date de composition, si ce n'est de tout le récit tel qu'il nous a été transmis, du moins de son noyau principal (les péripéties qui gravitent autour de la colère d'Achille). Le titre a suffi pour faire penser à une provocation, peut-être. Dans mon esprit, il annonçait une argumentation.

J. F. Nardelli (Université de Provence) qui, malgré son désaccord profond avec les conclusions auxquelles j'aboutissais sur l'époque de production de Y Iliade, n'a pas refusé d'entrer en matière et de m'engager dans une discussion suivie, a d'emblée attiré mon attention sur ce qu'il considérait comme une faille rédhibitoire de mon argumentation. Je n'y tenais aucun compte de la glottochronologie et je traitais notamment avec une légèreté proche de la désinvolture les conclusions de Janko dans son ouvrage de 1982, Homer, Hesiod and the Hymns... Il me fallait donc réparer la lacune.

Je présente, ci-dessous, les premiers éléments de l'examen que j'ai entrepris de « la langue homérique » (je simplifie la formulation). Je l'ai fait sous la conduite critique, et bibliographique, de J. F. Nardelli, à qui je reconnais volontiers et sans réserve ma dette. Je ne crois pas que j'aie été sourd à ses objections, précises, circonstanciées, solidement informées. Il est incomparablement mieux que moi au fait de la question homérique : je n'ai jamais répugné à apprendre de qui me fait la faveur de ce qu'il sait. J'imagine que mon interlocuteur aurait suivi une autre démarche que la mienne, plus appropriée à la pratique des philologues. Je demanderai donc aux spécialistes - auxquels je prétends tout de même m 'adresser - leur

GaiaS, 2004, p. 59-122. 59