Remarques sur l'opposition
singulier/pluriel
en français et en anglais
ANNIE LANCRI*
On est souvent tenté d'établir un rapport direct entre le nombre extralinguistique et la marque du nombre dans la langue. Or, les contre-exemples sont légion. On peut se trouver dans le cas d'un réfèrent unique avec la marque du PLURIEL : « trousers », « épousailles », ou inversement dans le cas d'un réfèrent multiple avec la marque du SINGULIER : « everybody », « tout le monde ». D'autre part, une même référence extralinguistique peut donner lieu à plusieurs interprétations à l'intérieur d'une même langue : nous pensons notamment à l'emploi de CHAQUE/TOUS en français et de EACH/EVERY/ALL en anglais, ou encore à des structurations comme PLUS D'UN/PLUSIEURS, MANY A + SING/MANY + PLUR.
Il va sans dire qu'une vision purement chosiste des faits de langue ne peut rendre compte de tels phénomènes. Une analyse linguistique du NOMBRE implique, semble-t-il, que l'on fasse la distinction entre le NOMBRE GRAMMATICAL et le NOMBRE REFERENTIEL. Nous suggérons donc d'aborder le problème non pas, comme c'est souvent le cas, sous l'angle sémantique, mais sous l'angle syntaxique, afin de vérifier si une telle perspective ne peut nous éclairer sur la fonction effective des marqueurs SINGULIER et PLURIEL au sein des énoncés.
* Maître de conférences à Paris Ш, 11 rue Deparcieux 75014 Paris.
Faits de langues, 2/1993