Isabelle Alzieu
Architecture ensevelie : résurgence de l’archaïque dans le monde contemporain
Composée de mots considérés comme des marqueurs temporels, la notion d’ «archaïque contemporain » fait s’affronter l’ancien et le présent dans un système d’opposition et de fusion. Cet assemblage de termes pointe d’une part la question du retour, d’une rupture chronologique ou d’un anachronisme, incite à une relecture de l’ «ancien » ou à une mise en regard du passé dans le présent, d’autre part la permanence de ce qui serait premier, originel ou encore archétypal dans le présent. Indépendamment de la temporalité suggérée par ce titre, une interrogation quant à la forme, pour ne pas dire une question de «style » , traverse incontestablement l’esprit. Existe-t-il une représentation de
l’archaïque ? Que ce soit dans le domaine des arts ou dans celui de la psychanalyse (discipline qui emprunte ce terme justement à l’archéologie, à l’histoire et aux arts), quelle image donner à l’archaïque, et peut-on lui donner une image ? Cela signifierait-il que l’archaïque peut avoir une forme ou plutôt peut s’incarner dans une forme, une consistance, un matériau ?… Et de la même manière, en différenciant l’adjectif du nom comme on l’a fait pour l’archaïque, peut-on donner une définition et une forme pour le contemporain ? Le contemporain n’est-il pas, comme la modernité dont il se rapproche et parfois avec laquelle il se confond, une chose indéfinissable, fluctuante et «transitoire » comme le disait Baudelaire, au point que dès qu’il existe, il n’est plus ? Il est intéressant de se rappeler que ce terme modernus, signifiant donc
récent, actuel n’a pas initialement été utilisé seul ; il est apparu dans une configuration de mise en opposition dans le couple de mots antiqui et moderni (les anciens et les modernes) chez Cassiodore au Ve siècle après J.-C., alors que devenait présent le passage du monde païen au monde chrétien1. Moderne seul n’avait pas lieu d’être sinon par effet de contraste. De la même manière, considérée sous l’angle de la temporalité, la notion d’ «archaïque contemporain » émergerait d’un dispositif semblable à celuici mais étendant ses limites en amont et en aval, par des termes élargissant plus encore l’intervalle espace-temps, comme les deux extrémités envisageables du développement de notre monde. Je vais donc tenter de penser cette notion d’ «archaïque contemporain » dans le domaine de l’actualité architecturale, au regard de ce qualificatif de «contemporain » qui pose la définition d’un «maintenant » 2, actualité architecturale qui se voit souvent catégorisée par des repères temporels. Il 135