Exode rural, exode agricole en Chine, la grande mutation?

Chaque année, les fêtes du Nouvel An Chinois sont l'occasion d'énormes mouvements de population engorgeant les lignes de chemin de fer et déversant des millions de voyageurs dans les grandes gares de Pékin, Canton ou Shanghai. Ces voyageurs sont pour la plupart des «ouvriers-paysans». Ils retournent au village natal pour y passer les fêtes puis en repartent pour rejoindre le travail plus ou moins permanent qu'ils occupent en ville.

Ces migrations spectaculaires (168 millions de voyageurs en moins de deux mois en ce début d'année 1995) symbolisent la mobilité retrouvée de la population paysanne, désormais délivrée des entraves des structures collectives d'antan. Signifient-elles pour autant que l'exode rural, longtemps différé, a pris un essor irréversible et que la Chine aborde enfin cette grande mutation urbaine que son développement économique accéléré ne peut manquer de faire apparaître? (1)

Le retard à l'urbanisation

Cette mutation semble avoir bien tardé à venir si l'on considère les données disponibles sur l'urbanisation en Chine, pour autant que ces données soient correctement interprétées. L'analyse de cette urbanisation est en effet rendue malaisée par la multiplicité des séries disponibles reposant sur des approches différentes de la notion d'urbain (2). Une première approche correspond aux divisions administratives distinguant les «cités» («shi») et les «bourgs administratifs»

(«zhen»), dont les habitants constituent la «population urbaine totale» («chengzhen zongrenkou»), des «campagnes» («xiang- cun») habitées par les «ruraux». Les contours de cette population ont varié avec les réglementations en usage. Le nombre des cités a crû régulièrement depuis quarante ans ainsi qu'en témoignent les recensements successifs: 166 au recensement de 1953, 168 en 1964, 244 en 1982, 356 en 1990 (570 en 1993). Le nombre des bourgs a au contraire