ÉCONOMIE RURALE n° 190, mars-avril 1989

L'IMPACT DES CHANGEMENTS CULTURELS ET ÉCONOMIQUES SUR LES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES : LE CAS DE L'INDE

Isabelle MILBERT*

Résumé :

Summary :

Il est difficile d'analyser de manière globale l'évolution des comportements alimentaires à l'échelle du sous- continent indien : environ 780 millions de personnes composent une société plus multiforme que jamais : certes, les quatre-cinquièmes de la population sont de religion hindoue, mais, au-delà de la lettre des textes, les habitudes alimentaires varient suivant les castes et les régions. Outre les caractéristiques propres au climat et aux cultures des différents Etats de l'Inde, il ne faut pas oublier que plus de 100 millions d'Indiens sont musulmans, sans compter d'importantes communautés chrétiennes, bouddhistes, sikhs et jaïns. Or ces religions, tout comme la religion hindoue, supposent un certain nombre de règles strictes concernant l'alimentation. Cependant, la modification des modes de vie, du fait de l'urbanisation et de l'évolution du pouvoir d'achat, peut être lourde de conséquences, bien que ces changements soient lents : seulement 24 % de la population indienne vit dans les villes, et 73 °/o de la population actiye travaille dans le secteur rural.

Des traditions alimentaires caractérisées par la rigidité et la diversité

La tradition hindoue

Dans la tradition hindoue, la nourriture fait partie intégrante de l'observance du rituel, et conditionne un certain nombre d'obligations communautaires. Ce sont les concepts de pureté et de sacré qui ordonnent les aliments autour du foyer domestique, et la cuisson constitue un

moment important du rituel. Les différentes échelles de la pureté ne coïncident pas avec l'éventail des variétés naturelles : simplement celles-ci sont prises en considération en fonction de leur "vulnérabilité" plus ou moins grande aux souillures d'un monde présupposé impur. La vigilance qui entoure certaines catégories d'aliments ne résulte donc pas du fait de leur plus haute pureté, mais du fait que leur mode de préparation accroît leur sensibilité aux impuretés. De même, les modes de cuisson peuvent également être classifies suivant une hiérarchie idéale de la pureté. La cuis- , son oriente donc définitivement les aliments vers le pur ou l'impur. Ce sont donc ces critères religieux qui motivent le choix des aliments et des préparations : les préférences culinaires n'existent pas pour le brahmane orthodoxe. Le lieu de préparation des aliments est lui aussi fondamental : la cuisine est un lieu retiré et clos, souvent con- tigu de l'autel, où ne pénètrent qu'un nombre limité de personnes. Chez les hindous orthodoxes, il existe une analogie certaine entre la cuisine et le sanctuaire d'un temple. Dans la cuisine, le foyer a une place cruciale, et l'espace peut être divisé en trois sous-espaces : celui de la cuisson (le plus protégé), celui de la conservation des aliments (d'un rang inférieur : les aliments non cuits sont encore imparfaits, voire pollués) ; enfin l'espace de service. Il appartient au' chef de famille hindou de répartir dans sa maison les deux espaces sacrés (autel et cuisine), les espaces impurs (ordures) et les autres espaces, neutres. (D. Roger, 1985)

L'hindouisme connaît un code strict d'interdits alimen-

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