CELTIQUE, LATIN ET ROMAN
APPROCHE LEXICALE DU MIROUER DE LA MORT
Jean LE DÛ, Yves le BERRE
Depuis le début des études celtiques, et même bien avant, depuis les celtomanies renaissante, classique et romantique, la langue bretonne a été définie pour l’essentiel sur le mode généalogique. Considéré pendant des siècles comme dernier rejeton du gaulois résistant à la vague défer¬ lante du roman, puis (par les bretonistes) comme surgeon continental du brittonique insulaire, enfin comme croisement de ces deux variétés du celtique ancien, le breton ne semble pouvoir être appréhendé qu’à la lumière de ses origines.
Mais l’absence de monuments littéraires antiques d’une part; l’obli¬ gation de se livrer à des observations très rétrospectives de l’onomastique ou de la géographie linguistique contemporaines d’autre part; la distance considérable constatée entre les deux principaux dialectes de cette langue enfin rendent toute argumentation fragile et sensible à la critique.
Il semble bien que l’on soit parvenu depuis déjà quelques années au fond d’une impasse. Ayant utilisé tout l’arsenal argumentaire disponible sans avoir pleinement convaincu ses adversaires ni avoir ouvert de pers¬ pectives de compromis, chaque théorie s’est aujourd’hui repliée sur des travaux parcellaires ou marginaux. Si la thèse de l’origine purement conti¬ nentale et celle de l’origine purement insulaire du breton n’ont plus guère de défenseurs déclarés, aucune synthèse ne fait pour autant l’unanimité. Les études bretonnes souffrent de cette situation d’incertitude qui les a toujours reléguées au second plan dans le concert des études celtiques.
Une autre voie a été ouverte dès le dix-huitième siècle par les lexicographes. Principalement illustrée à l’époque contemporaine par Emile Ernault, Joseph Loth et Léon Fleuriot, elle se définit essentiellement comme une pratique. L’établissement de grands répertoires de mots commentés n’a toutefois pas débouché, comme on aurait pu l’espérer, sur une réflexion théorique. Ces glossaires ont permis de mettre en évidence des champs sémantiques particulièrement sensibles aux emprunts, ils ont souligné la persistance d’archaïsmes profonds jusqu’à des époques
