VISION DU DEVENIR HISTORIQUE ET FORMES DE LA REVOLUTION DANS LES LETTRES PERSANES

On n'est pas près d'en finir avec les Lettres persanes. L'analyse récente et très polémique de leur signification politique par Jean Goldzink 1 en apporterait, si besoin était, la preuve. On est ainsi venu et revenu sur l'unité de l'œuvre, la «chaîne secrète », le roman du sérail et on y reviendra encore 2. Quitte à laisser croire que le reste, entendons entre autres l'érotisme, la vision de l'Orient, celle de l'Occident, la réflexion religieuse ou philosophi¬ que, les considérations démographiques, les analyses sur l'origine et le devenir des sociétés..., constitue une vérité d'évidence sur laquelle tout a été dit, bien dit et pour toujours. C'est oublier que les questions à poser aux Lettres naissent des avancées de la recherche elle-même, qu'elle porte non seulement sur Montes¬ quieu, mais aussi plus généralement sur le 18e siècle et sur la littérature ou la pensée politique. Les travaux sur l'idée de nature, sur l'idée de bonheur ou l'idée de progrès au siècle des Lumières, sur les structures narratives, la forme épistolaire, l'utopie, intéressent aussi les Lettres persanes quoi qu'on en ait. Les uns et les autres aident à formuler de nouvelles questions et à modifier les certitudes acquises. On semble oublier par ailleurs que les problèmes sans cesse repris de l'unité des Lettres valent aussi pour toute interrogation de l'œuvre, fût-elle totalement éloignée en apparence de sa structure narrative. Si j'ai ici choisi d'analyser les formes de la révolution et la vision du devenir historique dans les Lettres persanes, c'est aussi pour montrer qu'une telle analyse, comme n'importe quelle autre réflexion sur les Lettres, doit tenir compte, à sa façon, de la structure épisto¬ laire, du récit du sérail, du double mouvement de complémenta-

DIX-HUITIÈME SIÈCLE. n° 21 (1989)