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COMMUNICATION

L'EGO HISTOIRE D'IBN KHALDÛN, HISTORIEN ET SOUFI, PAR M. ÉRIC CHAUMONT

« La connaissance que nous avons îdu présent] est entière ; rien ne nous en est dérobé. Ce que nous y apercevons de bien est tellement mêlé de choses qui nous déplaisent que nous sommes portés à les juger plus sévèrement que le passé, quoique souvent le présent mérite réellement plus de louanges et d'admiration. »

Machiavel,

Discours sur la première décade de Tite-Live, Avant-propos du Livre II.

Ibn Khaldûn est, en principe, une personnalité qu'on ne présente plus. Il a, avec quelques autres penseurs musulmans, le rare privilège d'avoir été pleinement intégré à l'histoire de la pensée en général, « universelle » si l'on veut, et l'étude de sa pensée a heureusement et largement débordé le cadre de l'« orientalisme ». Un tel privilège mérite pourtant d'être critiquement évalué parce qu'il s'est doublé, ce n'est plus guère original aujourd'hui de le remarquer, d'une sur- détermination de la figure d'Ibn Khaldûn qui n'a pas nécessairement facilité la compréhension de son œuvre ni de sa pensée. Un bilan des lectures d'Ibn Khaldûn, comme celui qu'a dressé Ahmed Abdesse- lem dans son beau livre Ibn Khaldûn et ses lecteurs\ met au jour un phénomène en définitive assez suspect et dérangeant : les différentes interprétations, parfois diamétralement opposées, qui ont été proposées de la pensée d'Ibn Khaldûn depuis sa redécouverte dans l'Occident du début du XIXe siècle, redécouverte en forme d'« invention » selon Abdesselam Cheddadi2, sont étroitement tributaires des idéologies dominantes ou des courants de pensée en vogue. Ainsi Ibn Khaldûn fut-il successivement considéré comme « précurseur » de la critique historique, de la sociologie, du marxisme, etc.

Pendant longtemps, les élites savantes musulmanes, dont des personnalités aussi prestigieuses que Muhammad Abduh ou Taha