Daniel Percheron

Aller au cinéma

Ce qui importe, quand on va au cinéma, c''est précisément qu''on y va. On s''y transporte.

Marguerite Duras

Roland Barthes l''avoue dans une parenthèse : «il n''aime guère parler tout de suite du film qu''il vient de voir » . Et je dois dire que je loge à la même enseigne : comme si j''avais besoin de laisser décanter les choses, d''attendre le lendemain matin pour y voir plus clair. Une fois de plus, l''humanité se divise en deux, car campent sur l''autre rive ceux qui démarrent au quart de tour, à peine sortis du cinéma. Si Barthes se sent alors «mou comme un chat endormi » , ceux de l''autre rive y vont de leurs griffes ou bien font patte de velours. * * * Je me souviens d''une séance de ciné-club, à Orléans, au milieu des années 60. Nous venions de voir L''Enquête de l''inspecteur Morgan, un Losey bien anglais de 59, avec Stanley Baker, Hardy Krüger et Micheline Presle. Un de nos professeurs de philosophie, très volubile, se lança aussitôt dans un long monologue. Il déroulait son point de vue tout schuss, freinait soudain, taraudé par le doute, puis négociait un virage avant de repartir de plus belle. On aurait dit que la séance avait été pour lui la montée avec crémaillère du grand 8, qu''il était désormais ce wagonnet intrépide, ce festival de pentes et de remontées, de tours et de détours… Au printemps 99, je découvris enfin, à la Cinémathèque, L''Ardente Gitane. C''est un Nicholas Ray de 56. En dehors de la pulpeuse Jane Russell, on y voit un acteur pas spécialement svelte. Je sortis de la salle derrière une 129