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Saint Paul et la chair

[article]

Année 1982 35 pp. 34-36
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Philippe Ariès

Saint Paul et la chair

A deux reprises (I Cor 6, 9-10, 1 Tim 1, 9-10), saint Paul nous donne une liste de péchés dans un ordre qui paraît suivre une hiérarchie. Il dévoile une conception du mal où se rejoignent et se combinent le judaïsme et Thellénisme de son temps, où apparaissent les grandes tendances de ce qui deviendra la morale chrétienne, mais qui était déjà une morale païenne en formation. La place qu'y occupe la sexualité est très intéressante.

Les péchés se répartissent, dans ces deux textes, en cinq grandes catégories : les péchés contre Dieu, contre la vie de l'homme, contre son corps, contre les biens et les choses, enfin ceux de la parole. Pèchent contre Dieu, d'abord les idolâtres, cela va de soi, puis ceux qui s'opposent à la Justitia, les insoumis, ceux qui désobéissent aux commandements et ne respectent pas la Pietas (nous dirions le sacré), les sacrilèges, les profanateurs, les impies. Pèchent contre l'homme les meurtriers : les parricides, les matricides, puis tous les homicides. Ensuite viennent ceux qui pèchent contre leur corps, que saint Paul définit comme le temple de 1 Esprit de Dieu, donc un lieu sacré où l'on ne fait pas n'importe quoi : on disait hier les péchés de la chair, nous dirions aujourd'hui les délits sexuels I Le groupe des pécheurs de la chair est à son tour réparti en quatre sous-groupes, et il faut ici faire très attention au sens des mots, même si quelques-uns sont pris dans un sens général et vague (fornication). Il est bien possible qu'on aille crescendo d'un groupe à l'autre. Le premier sous-groupe est constitué par les prostitués ifornicarii (en grec : pornol). Le second est celui des adultères, c'est-à-dire ceux qui séduisent la femme d'un autre - et les femmes qui se laissent séduire. L'origine étymologique (adulteratio) suggère l'idée d' « altération », plutôt <jue celle d acte sexuel. Le troisième groupe est celui des molles (malakoï) : il est particulièrement intéressant pour nous, et il révèle quelque chose d'important et de nouveau (c'est aussi l'opinion de Michel Foucault telle qu'il l'a clairement exposée à notre séminaire). Qu'est-ce que la mollitiesi II est remarquable que les expressions utilisées pour désigner finalement des activités sexuelles comme la fornication, l'adultère, ne se réfèrent ni à des organes ni à des gestes. Ce n'est pas vraiment par pudeur, car ni le grec ni le latin n'avaient peur des mots - et, un peu plus loin, saint Paul se permet une sorte de plaisanterie sur le prépuce des circoncis. Je verrais plutôt dans cette réserve la survivance d'un temps du langage où la sexualité en tant que telle n'était pas objet d'analyse ni de réglementation, et où par conséquent les seules catégories retenues par l'usage étaient celles de la prostitution et du mariage en général, et non pas de ce qu'on faisait précisément dans l'antre (fornix)

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