À PROPOS DE...

Hassan Massoudy, calligraphe

Hassan Massoudy enseigne d'un simple geste de calligraphe les frontières formidables des signes clos. Il y a tous les blasons du corps dans chaque calligraphie, le code secret d'une valeur indispensable à nous seuls révélé l'espace d'un regard où nous comprenons que lire n'est pas du domaine de l'utile. L'anecdote du sens n'a plus de place. Le sens des mots est devenu un gestuel. Ce que nous voyons est le résultat destiné à un rite, le but d'une cérémonie d'écriture. Notre mémoire perd ses limites; notre histoire personnelle prend de l'éternité parce qu'elle vient de croiser la sienne. Les calligraphies d'Hassan Massoudy nous apprennent une langue originelle dans laquelle il dessine les mythes essentiels.

Quand il taille en trois coups de rasoir un roseau, pour en faire un instrument d'écriture, il sait déjà que ce jour-là il a choisi de convaincre ou d'émouvoir. Les mots dessinés deviennent le solfège d'une musique que nos yeux réveilleront lorsque sera venu le temps de leur exposition. Alors le rythme le plus intime de l'artiste s'incarne et anime la peau muette de la page aux dimensions toujours identiques. Selon que le calligraphe aura besoin d'affirmer ou de suggérer, le calame sera plus ou moins large, l'encre plus ou moins dense. Le roseau est taillé à la forme même de la pensée de l'artiste. Les deux matières naturelles du bois et du papier entrent en synergie pour appeler l'œil à la reconnaissance essentielle des matériaux du

début de tout. Le mot lancé devient ainsi, dans l'espace choisi, la diagonale de l'esprit qui utilise le végétal originel pour signifier et la sensualité irremplaçable à toute création.

Ce qui constitue le fond de chaque calligraphie est une surface infinie; même si la taille de la page est circonscrite à des dimensions relativement moyennes (60 cm-80 cm), la parole tracée est centrale et flottante parce que les frontières de ce texte unique sont abolies.

Souvenir de Najef

Hassan Massoudy se souvient, lorsqu'il parle de ses constructions aériennes, qu'il a vécu toute son enfance dans une ville bâtie au milieu des sables, en Irak. De cette architecture solide et solitaire dans la nudité désertique, ne reste-t-il pas ce besoin d'ériger un objet scriptural résistant à l'immensité silencieuse environnante? Un signe est là, posé dans un univers sans limites qui est le contraire d'un espace vide, et ce signe devient ainsi total et absolu.

Je lui ai demandé de me parler de son besoin, de son désir d'écrire avec des encres noires et, laissant le fil de notre entretien se dérouler au gré des méandres du souvenir, il est venu à me raconter comment, à Najef où il est né, on célébrait pendant quarante jours un conflit très ancien et très fraticide, et comment la commémoration de ces événements habillait sa ville natale de grands draps noirs flottant sur l'horizon de terre et de sable