Temps et progrès

dans la biologie du XIXe siècle

La biologie est une science qui s’est constituée relativement tardivement au tout début du XIXe siècle. Le XVIIIe fut dominé par une histoire naturelle tournée exclusivement vers l’identification et la classification des êtres.1 Elle va passer en l’espace de quelques décennies de ce stade pré-scientifique au stade scientifique. Cette rapide transition s’est effectuée à la faveur d’une approche entièrement nouvelle de l’objet d’étude que reflète le terme de bio¬ logie : c’est le phénomène du vivant dans l’unité de ses manifestations qui est désormais au centre des préoccupations des naturalistes. Il ne s’agit plus de répertorier et de classer dans l’espace des êtres que finalement rien ne distin¬ guait fondamentalement des choses. L’abandon de la catégorie spatiale atem¬ porelle issue de la physique au profit de la composante temporelle a permis aux sciences de la vie de s’affranchir de la tutelle des sciences physiques et de se constituer comme science autonome. La découverte du temps est l’acte de naissance de la biologie.

Dans les développements qui vont suivre, nous proposons d’étudier com¬ ment la réhabilitation progressive du temps dans les sciences du vivant a affecté la notion de progrès des organismes. Prenant comme point de départ l’histoire naturelle à l’âge classique qui prolonge l’étude des êtres amorcée dans l’Antiquité par Platon et Aristote, nous aborderons ensuite le tournant qui s’amorce avec la naissance de la biologie. Au sein de cette dernière, le rôle nouveau dévolu au temps et la conception qui en découle pour l’idée de progrès des organismes ne seront qu’une étape intermédiaire sur la voie de l’ évolutionnisme dans lequel la notion de temps joue un rôle fondamental. Dans une troisième et dernière partie, c’est ce nouveau paradigme de la biologie évolutionniste que nous traiterons afin de dégager la spécificité de l’articulation du couple temps-progrès.