La référence à l’Antiquité et son interprétation dans la littérature politique de la fin du XVIIIe siècle. L’exemple de Christoph Martin Wieland et de Peter Philipp Wolf

Salvator, le personnage d’un roman de Peter Philipp Wolf publié en 1784, s’exclame à propos d’un régime idéal établi par un monarque éclairé : “En vérité ! Nous vivons l’Âge d’or des Périclès et des Auguste.”1 La caractérisa¬ tion d’une situation politique fictive, ancrée clairement au cœur des préoccu¬ pations du XVIIIe siècle, à l’aide de figures emblématiques de la République athénienne et de l’Empire romain peut paraître stéréotypée, tant les compa¬ raisons avec les circonstances sociales et culturelles de l’Antiquité sont omni¬ présentes. Dans l’espace de langue allemande, l’impact esthétique et philoso¬ phique de l’Antiquité est fondamental, ce qui a déjà été bien étudié.2 Mais on ne saurait oublier que les préoccupations politiques des Lumières, la définition du progrès qu’elles impliquent, doivent beaucoup aux catégories issues de l’Antiquité.

Peut-on comprendre le XVIIIe siècle à partir des références à l’Antiquité ? La pensée, la rhétorique et la littérature de l’Antiquité ont-elles une fonction dans la réflexion et dans l’articulation du politique ? Peut-on fonder le pro¬ grès politique sur un recours à des sources antiques ? Ce questionnement oblige à s’interroger sur le rapport des Lumières à l’égard de l’histoire et de la temporalité. Deux acceptions d’ “Aufklärung” prédominent. D’un côté, les Lumières défendent l’idée qu’elles incarnent une époque qui rompt avec le passé. Ce serait alors un moment absolu et non pas un moment qui ferait partie d’une évolution historique où le siècle des Lumières serait le résultat mais aussi la poursuite d’une époque révolue. Au contraire, la continuité avec