LE ROLE DES ENTREPRISES DANS LA QUALIFICATION DES RESSOURCES*
par François EYMARD-DUVERNAY
Le développement de la littérature sur l'entreprise et les marchés internes est motivé essentiellement par le souci de donner plus de poids à la prise en compte du rôle de l'entreprise dans la coordination. Un grand nombre de transactions s'effectuent dans le cadre d'entreprises, ou aux franges de l'entreprise, suivant des formes de coordination manifestement non marchandes. Doit-on ignorer cet espace de transactions et réduire les entreprises à la trace de leur activité sur le marché, exprimée en termes de demande de telle ou telle catégorie de travail par exemple ? Bien qu'elles aient ouvert des perspectives nouvelles fort intéressantes, les théories de l'entreprise appartenant au courant des « coûts de transaction » n'échappent pas à ce risque de réduction. Si l'entreprise n'a pour fonction que de diminuer les « frottements » du marché, l'espace de calcul du marché demeure le seul qui, en fin de compte, doit permettre d'évaluer les actions. L'entreprise reste une « boîte noire », un agent collectif dont les données globales sont déterminées par le marché.
Nous présenterons, dans ce texte, l'ébauche d'une analyse qui permette une confrontation mieux symétrisée de la coordination d'entreprise et de la coordination par le marché.
Cette analyse s'inscrit dans le programme de recherche sur l'Economie des Conventions. L'un des postulats de ce programme est de considérer que l'accord entre les individus n'est pas possible sans un cadre commun qui permette de faire converger les actions. On étudiera les conditions dans lesquelles l'entreprise constitue un tel cadre commun. La coordination d'entreprise modifie les formes de calculs, par rapport à celles qui organisent les relations sur le marché. Les critères qui permettent de juger l'efficience des actions sont transformés et l'on ne peut considérer de façon générale le marché comme la forme de coordination ultime permettant d'évaluer l'entreprise. Toute tentative pour confronter en termes d'« efficience », suivant une échelle d'évaluation unique, la coordination par l'entreprise et la coordination par le marché pourra donc s'avérer problématique.
* Ce texte a fait également l'objet d'une présentation au colloque « Labour Markets and Labour Market Policy in Europe in the 1990s », organisé par l'EALE (European Association of Labour Economists) Lund, Suède, 20-23 septembre 1990.
Cahiers d'Économie Politique, n° 20-21, L'Harmattan, 1992.
