Victor LAZAREV *
Regard sur l'art de la Russie prémongole
il
Le système de la décoration murale de Sainte-Sophie de Kiev
La décoration murale de Sainte-Sophie de Kiev constitue l'un des rares ensembles de la première moitié du xie s. qui puisse être reconstitué dans toutes ses parties1. Bien qu'un grand nombre des mosaïques ait péri et qu'une importante partie des fresques soit devenue quasiment méconnaissable par suite des malencontreuses restaurations perpétrées aux xvne, xvine et xixe s., le système de la décoration murale, dans son ensemble, est resté intact. Cette circonstance est capitale, car elle permet de se faire une idée de l'aspect que revêtait, au xie s., le décor intérieur d'une église à cinq nefs.
A l'heure actuelle, les travaux de restauration des mosaïques et des fresques, commencés en 1952, peuvent être considérés comme terminés. Les mosaïques ont été consolidées et débarrassées de la souillure des siècles, poussière et suie, dont elles étaient couvertes. Certaines de ces mosaïques avaient été repeintes à l'huile au xvine (?) s., ce qui les avait défigurées. Tous les repeints ont été éliminés, et des images comme le Pantocrator de la coupole, le Christ-prêtre (PI. I, fig. 1), au-dessus de l'arc-doubleau est, la Vierge au-dessus de l'arc-doubleau ouest, la Déisis (PI. I, fig. 2) au- dessus de l'abside, l'évangéliste Marc (PI. II, fig. 3) du pendentif nord-ouest, sont aujourd'hui méconnaissables.
La partie la plus ancienne de la décoration murale de Sainte-Sophie de Kiev est représentée par les mosaïques. Elles occupent l'abside, le bêma et tout le carré central, autrement dit la partie de l'église la plus importante et la mieux éclairée (fig. a). On n'y observe aucune déviation importante par rapport au programme traditionnel qui régit les ensembles monumentaux byzantins.
Dans la coupole a été placée une gigantesque figure à mi-corps du Pantocrator (diamètre du médaillon : 4 m.). Elle domine tout l'espace intérieur de l'église. Le Pantocrator est représenté ici
* Voir, pour la partie I de cette étude, intitulée L'architecture de Kiev, Tchernigov, Polotsk et Smolensk aux Xe, XIe et XIIe siècles, « Cahiers civil, médiév. », t. XIII, 1970, p. 195-208.
1. Pour une bibliographie de la question, voir V. I,azarev, Storia délia pittura bizantina, Turin, 1967, p. 178-179, n. 83. — I,es raisons sur lesquelles sont fondées les conclusions proposées dans le présent article sont exposées en détail dans mon livre Les mosaïques de Sainte-Sophie de Kiev, Moscou, i960 (en russe). Cf. également S. Vysotski, Les graffiti datés du XIe siècle de Sainte-Sophie de Kiev, dans « Archéologie soviétique », n° 4, 1959, p. 243-244 (en russe) ; T. Talbot Rice, A Concise History of Rus si an Art, I/mdres, 1963, p. 20-22, 23-25 ; J. Blankoff, L'art de la Russie ancienne, Bruxelles, 1963, p. 21-22 ; J. I,afontaine-Dosogne, Iconographie de l'enfance de la Vierge dans l'empire byzantin et en Occident, t. I-II, Bruxelles, 1964/65 ; V. I,azarev, Old Russian Murais and Mosaics, I/nidres, 1966, p. 31-65, 225-242 ; S. Vysotski, Les inscriptions russes anciennes de Sainte-Sophie de Kiev, XIe-XIVe siècles, I, Kiev, 1966 (en russe) ; Ch. Delvoye, L'art byzantin, Paris, 1967, p. 244-246 ; A. Poppe, Les métropolites russes du Patriarcat de Constantinople au XIe s., dans « Vizantijski Vremennik », t. XXVIII, 1968, p. 86-96 (en russe) ; Id., Les graffiti et la date de l'édification de Sainte- Sophie de Kiev, dans « Revue d'histoire ukrainienne », 1968, n° 9, p. 92-106 (en ukrainien) ; A. Grabar, L'art du moyen âge en Europe orientale, Paris, 1968 ; G. BABié, Les chapelles annexes des églises byzantines, Paris, 1969, p. 105-110.
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