René CROZET

Recherches sur l'architecture monastique en Navarre et en Aragon

Les abbayes navarraises et aragonaises qui vont faire l'objet de cette étude, Fitero, la Oliva et Veruela, de l'Ordre de Cîteaux, Sigena, de l'Ordre des religieuses de Saint-Jean de Jérusalem, représentent, dans l'essor de la vie monastique au sein des royaumes chrétiens du nord de l'Espagne, une étape qui mérite attention. Qu'il suffise de rappeler que, au cours d'une phase antérieure dont la chronologie est difficile à fixer, mais qui remonterait, selon des données traditionnelles fort imprécises, aux temps wisigothiques ou au IXe s., la vie érémitique et la vie monastique n'avaient pu s'implanter qu'en des lieux écartés et peu accessibles, du fait de l'insécurité qu'ont fait longtemps planer sur ces contrées le flux et le reflux de la marée musulmane. San Victorian, dans la haute vallée du rio Cinca, San Juan de la Pefia, incrustée dans une impressionnante falaise au sud de Jaca, Leyre, accrochée aux pentes de la vallée de l'Aragon, San Miguel in Excelsis située à plus de 1.200 m. d'altitude dans la Sierra de Aralar représentent assez bien ce type d'établissement. On y chercherait assez vainement, du fait des conditions topographiques, les aménagements classiques de l'architecture monastique. Pour des raisons identiques, les monastères-forteresses du type Alquezar, Loarre ou Monte- Aragon occupés par des chanoines réguliers de saint Augustin se présentent comme des nids d'aigle postés en vue des territoires voués à la reconquête chrétienne vers la fin du XIe s.

Avec les quatre abbayes dont nous abordons l'étude, une phase nouvelle s'ouvre. Elle est dominée, d'une part, par l'essor de la conception cistercienne de la vie monastique. Chronologiquement, cet essor s'affirme à partir de la première moitié du xne s. La constitution d'un Ordre de religieuses de Saint-Jean de Jérusalem et son implantation à Sigena sont encore plus tardives. Dans le même temps, la reconquête s'est avancée vers le Sud. La Oliva et Fitero ne se comprennent que du fait de la reprise de Tudela, sur l'Ebre, vers n 14/19. Veruela n'aurait sans doute pas été fondée là où elle est si Tarazona et Saragosse n'avaient pas été réoccupées vers 11 16/18. Plus aventurée vers le Sud-Est, Sigena est plus ou moins liée à la reconquête de Lerida (1149) e^ de Fraga (1153)1.

Notons tout de suite que ces abbayes sont installées dans des vallées relativement ouvertes à la circulation. Rien, dans leur aspect général, pas même la muraille crénelée dont Veruela a été entourée à une époque tardive, muraille de clôture plutôt que défense sérieuse, ne rappelle l'âpreté des sites que nous évoquions à propos des phases antérieures. Aucun obstacle naturel ne s'est opposé au développement des programmes architecturaux à l'analyse desquels ces pages sont consacrées.

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