Guy BEAUJOUAN
Le symbolisme des nombres à l'époque romane1
I. L'arithmétique de Boèce et son influence
lorsqu'il apparaît dans le catalogue d'une bibliothèque médiévale ou sous la plume d'un auteur des XIe et xne siècles, le mot « arithmétique » ne désigne pour ainsi dire jamais l'art de Y « abaque » ou de 1' « algorisme », c'est-à-dire la technique du calcul : il se réfère seulement à la science des nombres telle qu'elle est enseignée par le De institutione arithmetica de Boèce2.
I*es nombres y sont d'abord répartis en « pairs » et « impairs ». I^es pairs peuvent être « pairement pairs » (2P), « pairement impairs » (2W+1) 2 ou « impairement pairs » (2w+i) 2P. I^es impairs à leur tour sont « premiers » ou « composés ». D'après leur composition, les nombres sont parfaits s'ils sont égaux à la somme de leurs parties aliquotes, surabondants (superflui) s'ils lui sont supérieurs, déficients (diminuti) s'ils lui sont inférieurs. 28 est parfait car égal à 1+2+4+7+ 14.
Considérées maintenant dans leurs relations réciproques, deux quantités peuvent être égales ou inégales. Il y a cinq espèces d'inégalités :
— le multiple ;
— le « superparticulier » — — — , par exemple le sesquialter — ou le sesquitertius — ;
— le « superpartient »
a
a-\-m a
— le « multiple superparticulier »
— le multiple « superpartient »
, quand m>i ;
na-\-i
a
na-\-m a
L,es nombres peuvent aussi être envisagés en fonction des figures géométriques
10 est triangulaire, 9 carré, 12 rectangulaire, 10 pyramidal, etc.
1. Conférence présentée à Poitiers, le 16 juillet i960, au Centre d'études supérieures de Civilisation médiévale. Je tiens à remercier tout particulièrement de sa bienveillante gentillesse M. André Vernet, professeur à l'École des Chartes : le présent exposé doit beaucoup à ses suggestions et à ses notes.
2. Ed. G. Friedlein, I<eipzig, 1867, et P.I,., I^XIII, 1079-1168.
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