C.M.H.LB. Caravelle n° 75, p. 109-135, Toulouse, 2000
Amazonie : la fin d'une frontière ?
PAR
Martine DROULERS & François-Michel LE TOURNEAU
CNRS-CREDAL
La notion de « frontière d'occupation » a été élaborée par les géographes américains, en particulier Turner, pour expliquer les phénomènes spatiaux associés à l'incorporation rapide au territoire occupé par les Américains des vastes espaces de l'Ouest, jusque-là considérés comme vides et libres. C'est donc à partir de trois notions essentielles que l'on peut définir la dynamique spatiale associée à celle de « frontière ». Elle désigne tout d'abord des espaces libres que l'on s'approprie, en sachant que cette liberté est postulée par l'occupant et qu'elle entre généralement en conflit avec la possession des terres par des populations traditionnelles. La frontière désigne ensuite des espaces vides que l'on occupe, c'est-à-dire que l'on incorpore dans des circuits économiques modernes. Elle postule enfin que le phénomène d'occupation se produit avec une vitesse et une intensité importantes. Le terme de frontière a été utilisé pour désigner la plupart des phénomènes de colonisation agricole et d'ouverture des régions enclavées ou difficiles d'accès dans les années I960 et 1970, et en particulier en Asie et en Amérique latine (Monbeig, 1981 et Hennessy, 1981).
L'histoire de l'Amazonie brésilienne à partir des années 1 940 a fait de cette région une véritable frontière pionnière. D'espace mal connu (et même inconnu pour un certain nombre de zones), peu peuplé et mal relié au reste du Brésil, elle est devenue depuis 1960 l'un des principaux foyers d'attraction pour les migrations internes. Aujourd'hui, quarante ans après son ouverture, certains évoquent déjà la « fermeture » de l'Amazonie et l'échec du modèle de développement économique qui lui est associé, pour deux raisons principales. D'un côté, on observe une meilleure connaissance des écosystèmes amazoniens et des phénomènes d'occupation de l'espace, du fait de l'apparition de nouveaux outils technologiques (en particulier la télédétection). L'espace de l'Amazonie, mesuré, chiffré, n'apparaît donc plus ni infini ni vide et la prise de