Les conséquences géographiques d'un nouveau syncrétisme religieux en Côte-d'Ivoire :
Le Kokambisme
Les syncrétismes religieux ont apparu en Afrique depuis de longues années ; ils s'y sont multipliés et les sociologues en ont étudié les causes, le développement et les conséquences. M. Balan-dier est celui qui a apporté la plus grande contribution à cette étude (1). Avec beaucoup de clarté, il analyse les causes profondes de ces syncrétismes et les conséquences qui en découlent, en parti¬ culier en ce qui concerne le Matswanisme en Afrique centrale.
L'Afrique occidentale a connu aussi des syncrétismes religieux, le plus important étant le Harrisme, qui occupe une place non négli¬ geable en Côte-d'Ivoire dans la région de Dabou-Abidjan. Depuis quelques années (1956), un nouveau syncrétisme a fait son appa¬ rition dans la région de Bouaké : le Kokambisme. Nous allons essayer d'en faire un bref historique et d'analyser les conséquences géographiques de cette nouvelle religion.
I. — Le kokambisme
1. - Historique
Le kokambisme a été fondé par Kôba Yao, Baoulé originaire du village don d'Akansakro, sur la route de Bouaké à Sakasso, à 5 kilomètres de Bouaké (Pl. XV A).
Né un vendredi (Yao), il est le seul garçon survivant de sa famille, ses frères ayant été empoisonnés, d'après lui, par les féti-cheurs. Fuyant le danger, il quitte son village natal pour Abidjan où il exerce divers métiers ; finalement, il devient menuisier à Adjamé.
C'est dans la capitale qu'il a la révélation de sa mission. Après un séjour de cinq ans et de nombreux «miracles », il revient en pays baoulé où il se fait appeler désormais «Kokamba » (va-tout-dire). Il se considère comme le fils de Dieu et son prophète (2).
Il fait construire une église sur la colline de Lasson, près de Brobo, sur la route de M'Bahiakro, à l'Est de Bouaké. Pourquoi ce choix ? Dieu lui avait donné l'ordre d'aller prêcher sur une
(1) Balandier (G.)-Sociologie actuelle de l'Afrique noire. Paris, P.U.F., 1963.
(2) Il lui était difficile de garder comme Harris, Matswa ou d'autres son nom de Kôba (clitoris en baoulé). On voit mal une religion du clitoris même si, comme en pays baoulé, le clitoris est un fétiche. A cause de cela les «Kôba » qui vivent en ville transforment souvent leur nom en Kaba ou Kobua. Lui-mcme se fait parfois appeler Kobua.
