MICHELET : LE MAGISTÈRE DE L'HISTORIEN
Communication de M. Paul VIALLANEIX (Université Biaise-Pascal, Clermont II) au XLVIe Congrès de l'Association, le 20 juillet 1994
Dans la France de 1815, cruellement éprouvée, l'histoire a cessé d'être perçue comme le théâtre privilégié de l'initiative des princes ou de la performance des penseurs. Les luttes révolutionnaires et les guerres impériales l'ont vulgarisée en mobilisant une fois ou l'autre, de gré ou de force, chaque Français, jeune ou vieux, parisien ou provincial. Une très lourde charge de souvenirs pèse sur la nation. Ils la divisent autant qu'ils la hantent. Il paraît donc impossible d'envisager l'avenir de la France postrévolutionnaire sans construire ou reconstruire d'abord une vision cohérente du passé.
Comme plus d'un tabou retarde l'interprétation des événements les plus récents et comme la Charte octroyée par Louis XVIII exclut la formule d'un simple retour à la monarchie de Louis XVI, la mémoire remonte hardiment le cours des siècles. Le roman, entraîné par la réussite de Walter Scott, le théâtre, qui commence à se souvenir de Shakespeare plutôt que de Racine, la poésie, à laquelle Sainte-Beuve propose l'« imitation » de la Pléiade, ne sont pas seuls à témoigner de cet élargissement soudain de la réminiscence. L'histoire, comme il se doit, y contribue et en bénéficie bien plus encore.
