LIEU DE L'IDYLLE
ET LIEU DU BOULEVERSEMENT
DANS «L'ÉDUCATION SENTIMENTALE»
Communication de M. Victor BROMBERT {Université Yale) au XXIIe Congrès de V Association, le 24 juillet 1970.
Inutile de rappeler que Flaubert est un paysagiste raffiné, et que le paysage chez lui n'est jamais gratuit. Ou bien il s'agit d'un élément métaphorique : Charles Bovary, dans sa chambre d'étudiant rêvant, devant Г « ignoble petite Venise » de son quartier sordide à Rouen, à un là-bas où il ferait bon vivre (illustrant par là un principe de contamination thématique, le bovarysme précédant l'apparition d'Emma et survivant à elle) ; ou bien il s'agit d'un complexe d'images elles aussi d'abord introduites par Charles, puis reprises sur un mode majeur par Emma, suggérant les sentiments de platitude, d'expansion, de rétrécissement, d'assoupissement — paysage sans caractère, surface grise à perte de vue, monotonie spatiale qui invite à la rêverie indéterminée et aboutit à l'anesthésie, à l'occlusion. (Sur le plan stylistique, ou linguistique, les secousses du prétérit sont, elles aussi, impuissantes à nier l'enlisement dans l'imparfait de description.) Ou encore, l'évocation du paysage s'insère dans une progression dramatique : les jardins qui,