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La guerre aux pauvres est déclarée

[article]

Année 1996 78 p. 16
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En France, si vous saviez...

La guerre contre les pauvres

est déclarée

Avant même d’être présenté à l’Assemblée , l’avant-projet de loi du gouvernement pour la «cohésion sociale » (on ne parle plus d’exclusion) est déjà mort-né. Même Xavier Emmanuelli, secrétaire d’Etat à l’Action humanitaire n’y croit pas.

Il suffit pour en être convaincu de l’avoir vu et entendu à l’émission «La marche du siècle » du 16 octobre dernier ! Pourtant, que de bonnes intentions ! On y parle non pas de «droits des exclus », ce serait insul¬ tant, mais de «l’accès de tous aux droits de tous » ; les droits dont il s’agit ? -les droits civiques, bien sûr : les personnes sans domicile fixe pour¬ ront voter si...

-les droits sociaux : des familles pourront être accueillies ensemble dans certains centres d’hébergement... pas encore ouverts...

-le droit à remploi : 300 000 «contrats d’initiative locale » sur cinq ans (25 000 en 1997) seront proposés aux titulaires de minima sociaux (RMI, API, ASS, allocation de solidarité spé¬ cifique). Il y aura possibilité de cumu¬ ler un CES avec une activité salariée réduite...

-le droit à la santé : visite médicale annuelle pour les chômeurs de longue durée et pour tous ceux qui ne sont pas concernés par la médecine préventive ; prise en charge par l’Etat du finance¬ ment de la lutte contre la tuberculose.

-le droit au logement : création de 100 000 logements d’insertion en cinq ans. La réquisition de logements vacants depuis plus de 1 8 mois, appar¬ tenant à des personnes morales (Assu¬ rances, banques, collectivités) sera facilitée. Si l’on met en regard ce modeste programme et la réalité des mesures adoptées par le gouvernement et le Parlement depuis deux ans, le bilan est vite fait. Non seulement, la lutte contre l’exclusion n’est en aucune manière à l’ordre du jour, côté majori¬ té, mais pire, une véritable «guerre » contre les pauvres est déclarée.

Pour mémoire, quelques rappels. La hausse du ticket modérateur, des impôts et des cotisations sociales exclut des soins de plus en plus de per¬ sonnes qui n’ont pas les moyens d’avancer l’argent, ne serait-ce que pour une visite médicale. La situation sanitaire en France est telle que, effec¬

tivement, les maladies de la misère que l’on croyait disparues, ressurgissent : la tuberculose, certes, mais le saturnisme (intoxication par le plomb) également, ainsi que le scorbut ! Seule la gratuité des soins pourrait inverser la situation ! Pour ce qui est du droit au logement, même si les actions et la pression des associations comme le DAL ou le CD SL ont permis que progressivement les tribunaux le reconnaissent effecti¬ vement en refusant certaines expul¬ sions, il est bafoué chaque jour. Com¬ bien de familles expulsées tous les jours faute de pouvoir payer leur loyer,

combien de nouveaux sans-abri ? Sur Paris, particulièrement, le scandale n’en finit pas. Des familles, des jeunes, ne peuvent obtenir un logement social tandis que les enfants Tibéri bénéci-fiaient de HLM de la ville de Paris pour ne citer que les scandales avérés et connus... Quant à l’emploi, tout le monde sait que les coupes budgétaires vont aggraver le chômage, confirmant l’exclusion de milliers de contractuels embauchés par l’Etat dans l’enseigne¬ ment ou les services. Les CES

aujourd’hui, les CIL demain, rempla¬ cent à moindre frais les vrais emplois de la fonction publique. C’est la Cour des comptes qui le dit. Le pire, c’est que les «contrats d’initiative locale » seront d’abord financés par des restric¬ tions de l’allocation de solidarité spéci¬ fique (ASS). Comme le disait un mili¬ tant on «déshabille les pauvres pour habiller les très pauvres » (Libération du 1er octobre). Dans le privé, les plans de licenciements ne cessent de tom¬ ber... En 1994, le CERC (Centre d’étu¬ de des revenus et des coûts, aujourd’hui dispersé) avait considéré que 12 millions d’individus en France étaient en situation de fragilité économique et sociale, en situa¬ tion de précarité, par¬ mi lesquels de très nombreux jeunes. Combien aujour -d’hui ? Rajoutez à cela, les arrêtés anti¬ mendicité adoptés par plus de dix villes aujourd’hui (et pas seulement celles tenues par l’extrême droite), l’interdiction de vendre les jour¬ naux de rue dans le métro depuis cet été, sans oublier la volon¬ té du gouvernement de restreindre l’accès au RMI en faisant jouer l’obligation ali¬ mentaire de la famille, et vous verrez que le tableau est particulièrement sombre. Les luttes contre l’exclusion, contre la précarité et pour l’emploi ne sont pas dissociables. Elles supposent la baisse massive du temps de travail pour tous sans baisse des salaires. Tout aussi urgente est la lutte pour le droit au logement. A quand une grande manifestation nationale et unitaire sur la question ?

Claire Bataille

Droits devant !!
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