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Clandestine

[article]

Année 1993 66 pp. 14-16
Fait partie d'un numéro thématique : Clandestines malgré elles (automne 1993)
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Clandestine

Clandestine , c'est l'identité qu'a empruntée Anne Tristan durant l'année 1992. Après s'être cachée sous les traits d'une adepte du Front national, elle s'efface, cette fois-ci, derrière Sonia, pour nous faire vivre son expérience et celle des candidats à l'exil qu'elle a rencontrés*. Ce formidable travail de journaliste constitue une calme mais terrible dénonciation de l'exclusion et des récentes lois sur l'immigration, qu'elles aient été adoptées par la gauche ou par la droite. Nous l'avons rencontrée.

*Anne Tristan, Clandestine , Stock, collection Au Fil. 267 pages.

1 -Lavalas : mot créole désignant les torrents qui charrient tout sur leur passage, ce mot a désigné l’élan populaire sus¬ cité par Aristide.

En 1992, des Turcs déboutés du droit d’asile ont mené une grève de la faim dans une indifférence quasi-totale. Anne Tristan se souvient de leur solitude, de la maigre présence autour d’eux de quelques associations, quand elle leur a rendu visite dans l’église parisienne où ils s’étaient réfu¬ giés.

1992 : c’est aussi l’année de la célébration de l’arrivée de Christophe Colomb, cinq cents ans plus tôt, dans le «nouveau monde ». La première île colonisée par Colomb, «ce Génois, italien de Ligurie, imprégné du savoir des marins portugais, employé par la cour d’Espagne, peut-être juif», est devenue l’île des Caraïbes, partagée entre la République Dominicaine et Haïti. C’est donc de là qu’Anne Tristan décidera de partir pour explo¬ rer ces nouveaux territoires situés sur les fron¬ tières des pays riches, ces zones de transit, ces «zones au droit mal connu », zones quasi inac¬ cessibles même pour des journalistes, pour devenir une demandeuse du droit d’asile. Com¬ me elle nous le précise, demander l’asile était sa seule possibilité d’entrer en France en arri¬ vant sans papiers, ne pouvant pas obtenir de visa, n’ayant pas de famille en France lui per¬ mettant un regroupement familial. <? C’est désormais le seul moyen de passer, si on a la chance de le savoir. Les prétendus «abus du droit d’asile » fustigés par tous ne sont que la conséquence des lois instaurant les conditions d’entrée. » Car, Anne nous le rappelle, les récentes lois Pasqua sont dans la continuité des mesures prises par le gouvernement socialiste. Depuis 1974, date de la loi sur l’arrêt de «l’immigration économique », les gouverne¬ ments de droite et de gauche se sont succédé pour restreindre le droit d’entrée en France et rendre plus difficile la survie des clandestins {cf. encadré).

Là-bas

«Clandestine » se décompose naturellement en trois parties correspondant au vécu d’Anne-Sonia de 1992 : la construction de son passé,

son existence dans la zone d’attente avant que les autorités ne statuent sur l’expulsion ou l’entrée en France, sa survie dans Paris après l’acceptation temporaire de son dossier qui devra être étudié par l’OFPRA.

Elle a hésité entre les deux parties de l’île pour faire le grand saut du départ, hésitation due sans doute à la difficulté de l’épreuve mais aussi temps nécessaire pour comprendre les raisons qui poussent au départ, connaître les difficultés rencontrées, et se construire des «origines ». Haïti, premier pays de sa recherche, après une brève tentative démocra¬ tique avec Jean-Bertrand Aristide, est retombé sous un régime militaire. Dans Ven-dehors, mot créole pour désigner les zones populaires, loin des centres urbains et riches, où Honoré l’a menée pour rencontrer prêtres et lavalas-siens ' qui se débattent avec la misère et luttent pour une plus grande justice, meurtres et dispa¬ ritions se succèdent. Et pourtant, elle pourra expérimenter la difficulté de faire franchir à Jonas, menacé de mort, clandestin dans son propre pays, les énormes barrières mises dès le pays d’origine à un exil : de l’ambassade qui refuse le visa, à l’obligation d’un certificat d’hébergement, jusqu’aux contrôles des com¬ pagnies aériennes qui font le travail de la poli¬ ce des frontières. Hélène est tout aussi pathé¬ tique dans son désir d’aller en France, de faire des études, quitte à s’endetter. Anne ne partira pas d’Haïti : «Je ne pourrais simplement pas tricher quand ils sont si nombreux à demeurer ».

Ce sera donc sous les traits d’une Domini¬ caine qu’elle s’évadera. D’un autre en-dehors : Sonia, son alter-ego, partira de Vicente Noble, village d’émigration, et aura travaillé dans une zone franche. Les zones franches sont des lieux rêvés pour les patrons, «ils s ’installent dans ces enclaves que l ’Etat aménage et électrifie pour eux. Ils importent leurs matières pre¬ mières en franchise et ne paient quasiment aucun impôt ». Le syndicalisme y est rejeté et Sonia aura un parcours de travailleuse arrivant progressivement à la lutte syndicale et donc à la peur de la répression.

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