LA TOUR D'OSTREVANT A BOUCHAIN UN DONJON DE TYPE ANGLO-NORMAND AU COMTÉ DE HAINAUT
par Christian CORVISIER
Par sa consonance digne d'une chanson de geste et les souvenirs historiques qu'il rappelle, le nom de la tour d'Ostrevant s'annonce très emblématique de tout un passé féodal et chevaleresque.
On ne peut, hélas, en dire autant de l'état actuel de l'édifice qu'il désigne, principal vestige ancien dans une ville sinistrée par les destructions-reconstructions de la seconde guerre mondiale. La « Tour » apparaît comme une énorme masse de pierre cubique, sans grâce, dont les lignes rigides excluent tout pittoresque (fig. 1). Nul doute que cette carapace ingrate est responsable de l'indifférence des amateurs d'architecture médiévale, peu enclins à trouver du grain à moudre dans cet ouvrage austère remodelé par les ingénieurs militaires, depuis l'aube des temps modernes jusqu'au XIXe siècle.
C'est à l'architecte des bâtiments de France Frédéric Aubanton que revient le mérite réel d'avoir reconnu tout l'intérêt de l'infrastructure médiévale de l'édifice, à l'occasion d'une opération de sauvegarde en 1993. Cette reconnaissance a permis la réalisation d'une campagne de relevés et d'une étude d'histoire et d'archéologie monumentale qui m'a été confiée (1). Le présent article est l'adaptation de cette étude.
Histoire du château de Bouchain d'après les sources
L'appellation traditionnelle de « Tour d'Ostrevant » accordée au donjon de Bouchain rappelle la
nence de cette localité sur le Pagus Austrovadensis, ancien comté carolingien relevant de l'évêché d'Arras, démembré en 1071, sans que se perde le nom d'Ostrevant et l'identité géographique correspondante. L'Ostrevant médiéval reste une réalité administrative religieuse et laïque (2) : Parchidiaconé d'Ostrevant, au diocèse d'Arras, se compose du doyenné de Douai et du doyenné d'Ostrevant, dont le chef lieu est Bouchain. De même, lorsque l'Ostrevant devient au XIe siècle l'enjeu des guerres territoriales entre les deux puissances comtales
FIG. 1. - VUE AÉRIENNE ACTUELLE DE BOUCHAIN:
À DROITE LA TOUR D'OSTREVANT, AU PREMIER PLAN,
UN BASTION DE L'ENCEINTE DU XVIe SIÈCLE
(1) Je tiens à remercier ici Frédéric Aubanton, actuellement architecte des bâtiments de France en Loir-et-Cher, pour son rôle déterminant dans la mise à l'étude exhaustive de l'édifice (commandée par la C.R.M.H. Nord/Pas de Calais) et pour le travail graphique qu'il a constamment adapté à l'évolution de l'analyse d'archéologie monumentale. Merci aussi à MeIle Obled (Groupement historique des Amis de Bouchain et de son musée), pour avoir mis à ma disposition les fonds documentaires locaux.
(2) On trouvera une bonne et concise présentation historique et archéologique de l'Ostrevant dans : P. Demolon, E. Louis, J. F. Ropital, « Mottes et maisons-fortes en Ostrevant médiéval », Archeologia Duacensis, n" 1, Douai, 1988, p. 9-16.
