LES CHÂTEAUX DE FOULQUE NERRA

par Marcel DEYRES

L'objet de la présente étude est de suggérer quelle fut la composition d'ensemble d'un château tourangeau fondé par Foulque Nerra. Il reste le plus souvent fort peu de choses des éléments qui appartinrent à l'origine à ces forteresses : le donjon de Montbazon n'est pas antérieur — nous pensons l'avoir montré (1) — à l'époque de Geoffroy Martel ; quant au donjon de Langeais, nous avons mis en évidence qu'il ne fut originellement qu'une résidence pour le logement du maître de la forteresse (2). Ces châteaux, établis à la fin du xe siècle ou au début du xie, ont été, on s'en doute, profondément remaniés. Mais ces réfections, qui tendirent le plus souvent à substituer un donjon de pierre à un donjon de bois, eurent lieu dès l'époque romane à Loches, à Langeais, à Montrichard, à Montbazon, à Chinon, à Saint-Christophe, sans que les aménagements ultérieurs aient effacé la trace même des remaniements. Or, ces derniers se présentent d'une manière semblable, parfois identique : leur ensemble forme une constante telle que l'on peut conclure à une identité de parti, à une formule dont Foulque Nerra a été le promoteur sinon le créateur, tant pour ce qui fut de l'implantation que de la composition de ses bastions. Comme plus tard Philippe Auguste, Foulque Nerra, en vrai chef de guerre, eut, lui aussi, sa « formule ». Nous voudrions essayer de la définir.

Les châteaux de Foulque Nerra ont été des forteresses récentes en Touraine où existaient des forteresses déjà très anciennes pour l'époque où il vivait. Celles-ci (Chinon, Amboise, Loches, etc..) avaient, en plan, des dimensions considérables (à Loches, le grand axe de l'éperon a 450 mètres de longueur) ; elles obligeaient à un commandement pesant et exigeaient la présence d'une assez forte garnison (3). Les châteaux de Foulque Nerra, par contre, n'étaient que des fortins opérationnels. Conçus pour les nécessités d'une campagne guerrière — par exemple, celle qui, dans un premier temps, a consisté à investir la ville de Tours — ils n'étaient que des forteresses légères et présentaient l'avantage d'un commandement très souple. Une faible garnison suffisait à leur défense : c'est ainsi que Foulque Nerra se contentait de les confier à un simple gardien, tels Renaud- Ivon à Château-Gontier (4) et Hamelin à Langeais (5). Leur construction devait être très rapide. Elle coûtait peu au comte et il n'hésitait pas, pour les besoins d'un traité avantageux, d'en promettre la destruction, ce qu'il n'eût pas fait d'un cœur léger si la forteresse avait exigé, pour sa construction, de gros sacrifices (6).

Cependant, les Angevins se rendirent assez tôt maîtres des grandes forteresses anciennes. Geoffroy Grisegonelle possédait déjà Loches ; Foulque Nerra était maître d'Amboise, qu'il concéda à Lisois, un de ses fidèles, vers l'an mille ; Geoffroy Martel obtint, vers le milieu du siècle, la cession de Chinon par le