«Pensées morales et littérature : les prosateurs grecs de l’Empire romain à l’heure de la laïcité »

Lorsqu’il m’a été proposé de me pencher sur l’histoire de l’enseignement1, j’étais plongée dans la littérature grecque des deux premiers siècles de notre ère, cette époque où les auteurs jouent allègrement avec les écrits de leurs prédécesseurs, cette époque où les orateurs galvanisent les foules qui se pressent pour venir les écouter. Je venais de lire Les enfants d’Alexandre de Jean Sirinelli et j’avais en mémoire un passage qui me semblait bien définir cette atmosphère très particulière : «L’art y devient une fin en soi. Ce n’est sans doute pas nouveau, mais c’est maintenant affiché. » (p. 22-23). Qu’étaient donc devenus ces auteurs à l’heure où naissait justement en France la discipline littérature ? En consultant les premières instructions officielles de l’enseignement secondaire laïc et les listes d’oeuvres qui les accompagnent, je vis souvent revenir, en latin comme en grec, l’étude de «pages et pensées morales » . Ma curiosité allait grandissante. Ces auteurs qui se montraient passionnément épris d’art et de discours et dont le rôle culturel semble primer sur leur rôle politique, qu’étaient-ils devenus sous l’austère régime de la morale laïque républicaine ? Il me parut alors possible, en examinant la façon dont les prosateurs grecs de l’Empire romain avaient été intégrés dans les pages et pensées morales de dégager une ou des conceptions de la littérature typiques de l’enseignement secondaire en France de 1880 à 1940.