L'interprétation historique de l'historiographie latine de la République3

De toutes les formes d'interprétation qu'impliquent les études classiques, l'interprétation des historiens est peut-être celle qui pose les problèmes les plus complexes. Car on peut envisager les historiens à deux points de vue différents, celui du philologue et celui de l'historien : quand il s'agit de Tite- Live, par exemple, Yinterpretatio ne manque pas de le considérer comme un objet intéressant en lui-même, comme une personnalité originale dont les modes de pensée, les formes de sensibilité, les procédés de style requièrent avant tout l'attention. Ainsi, dans l'excellent petit livre, Wege zu Livius2, où Erich Burck a réuni récemment quelques-uns des essais les plus significatifs qui aient paru depuis cinquante ans sur Tite-Live, les auteurs s'attachent principalement à définir, dans toutes ses dimensions, une figure spirituelle dont la valeur est quasi indépendante du sujet traité. Ils s'efforcent entre autres de saisir en Tite-Live une des plus riches expressions de son temps. Livius aïs augusteischer Historiker, c'est le titre de l'article par lequel, en 1935, Erich Burck préludait à ses belles études li viennes3. Et le regretté Friedrich Klingner à son tour saluait en 1943 chez Tite-Live ein vollgûltiges Stûck der augusteischen Geisteshjoelt^, reconnaissait en lui un reflet authentique de l'idée que la Rome d'Auguste se faisait de son passé. Ce qui n'empêchera pas Wilhelm Hoffmann en 1954 5 d'insister sur le pessimisme non augustéen qui distinguait Tite-Live de ses contemporains, sur le sentiment, hérité de l'annalistique depuis Caton, du caractère irrémédiable de la décadence romaine, sur l'impossibilité où il se trouvait d'espérer avec Virgile en Un retour de l'âge d'or.