Quelques réflexions sur Archimède et sa mort
En pieux hommage à Georges Darmois, membre de l'Institut.
La Grèce n'est pas seulement la patrie d'Érato, Terpsichore, Thalie, Melpomène, ... aux noms divins, mais aussi d'Uranie, muse de l'astronomie devenue plus tard muse des mathématiques et Plutarque écrit : ( Vie de Marcellus, XXVII) : « II (Archimède) était transporté hors de soi en extase du plaisir qu'il prenait à l'étude de la géométrie, et véritablement ravi de V amour des muses ». Claudel l'a vue, le compas à la main, sur certain sarcophage trouvé sur la route d'Ostie. La Grèce n'a pas seulement donné au monde Homère mais aussi Pythagore. Même, vingt- deux siècles avant Charles Perrault, elle a déclanché la première Querelle des Anciens et des Modernes, posé le conflit de la poésie et de la science. Peu de temps après la mort de Pythagore et de Thaïes, malgré une attirance sentimentale pour le chantre d'Achille, Socrate a ose en effet lui préférer les savants de son siècle et mettre finalement Homère à la porte de la République idéale :
Si un homme habile à prendre toutes les formes et à tout imiter se présentait dans notre Etat pour se produire en public et jouer ses poèmes, nous lui rendrions hommage comme à un être sacré, merveilleux, ravissant : mais nous lui dirions qu'il n'y a pas d'homme comme lui dans notre État et nous l'enverrions dans un autre État, après avoir répandu des parfums sur sa tête et V avoir couronné de
bandelettes Nous avons conscience du charme que la poésie
exerce sur nous ; mais il serait impie de trahir ce qu'on regarde comme la vérité. Toi-même, cher ami, ne sens-tu pas le charme de la poésie, surtout quand tu la regardes dans Homère ?.... Nous aussi, nous avons pour cette poésie un amour que l'éducation de nos belles républiques a fait naître en nos cœurs, et nous aurons plaisir à reconnaître qu'elle est très bonne et très amie de la vérité. Mais, tant qu'elle sera incapable de se justifier, nous l'écouterons en nous redisant les raisons que nous venons de donner, pour nous prémunir contre ses enchantements et nous prendrons garde de retomber
* Extraits d'une conférence donnée à la section des Jeunes Budé de S'-Dié, le 20 décembre 1965, en collaboration avec M. R. Plaquet, ancien élève de l'École Centrale et professeur de mathématiques, qui intervint au cours de l'exposé pour expliquer en spécialiste quelques-uns des grands problèmes abordés par Archimède en fonction des connaissances et de la terminologie de son temps.
Bulletin Budé II
