Un grand humaniste de la fin du dix-neuvième siècle :

Walter Pater et la Grèce *

S'il convient de donner une épigraphe à cette causerie sur Walter Pater et la Grèce, je n'en vois pas de plus appropriée, de plus exacte, malgré ses allusions plutôt romaines qu'helléniques, que ces quelques vers extraits d'un sonnet célèbre de Gérard de Nerval :

Ils reviendront ces Dieux que tu pleures toujours ! Le temps va ramener l'ordre des anciens jours, La terre a tressailli d'un souffle prophétique.... Cependant la sibylle au visage latin Est endormie encore sous l'arc de Constantin Et rien n'a dérangé le sévère Portique.

Les raisons qui me poussent à commencer par cette citation s'éclaireront, je l'espère, au cours de mon exposé. Mais tout d'abord, qui était ce Walter Pater que mon titre qualifie d'humaniste, et quelle place la Grèce occupe-t-elle dans son œuvre ? Né en 1839 et mort prématurément en 1894, Walter Pater, dont la vie S' écoula presque entière dans un collège de l'Université d'Oxford, est une personnalité trop complexe, trop souvent divisée par une lutte sourde avec elle-même, pour qu'il nous soit facile de la saisir, de l'enfermer dans une définition simple. Ce professeur qui, dans son collège de Brasenose, était chargé d'expliquer Platon avec ses étudiants et de leur faire des cours sur la philosophie antique, ce professeur se distinguait aussi par une doctrine personnelle, l'esthétisme, qui se proposait d'appliquer à tous les aspects de l'existence le point de vue de l'art et dont l'influence révolutionnaire s'est exercée sur les auteurs décadents de la fin du dix-neuvième siècle. Écrivain, Pater a publié deux romans et plusieurs contes, mais aussi des essais de critique d'art, d'archéologie, de critique philosophique et de critique littéraire. Sa carrière s'était ouverte sur un refus de toutes les traditions qui prétendent restreindre notre expérience et nous asservir au nom d'une invérifiable ontologie, sur une exaltation du culte païen de la forme et de la vie des sens ; mais ensuite, il n'a plus