par

Sylvie FA YET

L'étude du lexique latin employé au XIIe siècle pour nommer les couleurs permet de dégager deux caractéristiques notables. Le premier fait marquant dans la composition du lexique est la très forte proportion et l'emploi récurrent des désignations du blanc, du rouge et du noir. Le second point essentiel est la présence d'un groupe de douze familles issues du registre lexical de la lumière, et utilisées pour nommer des couleurs. Cette structuration du lexique manifeste la relation très forte qui rapporte la perception des couleurs à celle de la lumière. Une couleur est définie et estimée autant, sinon plus, en fonction de son éclat et de sa luminosité qu'en fonction de sa nuance strictement chromatique.

Sur le plan sémantique, l'importance essentielle de la lumière est combinée à la prédominance du schéma blanc-rouge-noir, ce qui amène un éclatement entre plusieurs pôles dans la répartition des couleurs. Certaines couleurs en effet ne sont pas individualisées et se trouvent ramenées au blanc, au noir ou au rouge. Ainsi, le pourpre et le rose sont englobés dans le rouge ; le bleu et le gris foncés sont considérés comme du noir ; tout ce qui est argenté ou transparent est assimilé au blanc, ainsi que les nuances pâles et claires du jaune, du bleu et du gris. De plus, la perception de certaines couleurs est fragmentée en plusieurs nuances ; le jaune se partage entre le doré (jaune lumineux) et le rouge (pour les nuances orangées); le brun est rapporté, suivant son éclat, au noir ou au rouge. Le vert en revanche est une couleur lexicalement et sémantiquement beaucoup plus stable. Le bleu clair enfin, absent des textes depuis l'Antiquité classique, est doté pour la première fois au XIIe siècle de désignations spécifiques, qui le distinguent nettement du bleu sombre.

Dans l'organisation des couleurs que reflète le lexique latin coexistent donc deux tendances fondamentales. La première, la plus ancienne, pousse à substituer aux catégories chromatiques des types de lumière. La seconde, en

Bibliothèque de l'École des chartes, t. 150, 1992.