La recherche locale Pour quoi et comment ?
Armel Huet
Les sciences sociales, plus encore sans doute que d'autres disciplines anthropologiques, demeurent aujourd'hui balbutiantes, incertaines de leur champ, en crise presque permanente. Elles sont constamment sommées soit de se soumettre à des règles académiques incitant les chercheurs à produire des exercices universitaires, soit de fournir des informations opérationnelles immédiate¬ ment exploitables, subordonnées aux stratégies de gestion des populations. Elles sont fortement dépendantes de l'hégémonie intellectuelle exercée par Paris et ne peuvent donc s'enraciner que de façon précaire dans le tissu local et régional. Enfin, aussi soucieuses soient-elles de servir la prise en charge collective de la société par elle-même, elles présupposent un questionnement permanent, un mouvement constant de remise en cause des systèmes de référence, autrement dit une démarche entrant nécessairement en conflit, au moins de façon ponctuelle, avec la logique — et les exigences — de l'action politique1.
L'ouverture aux sciences sociales ne saurait donc être chose facile, et rien ne serait sans doute plus grave qu'une greffe d'illusions scientistes sur une structuration de la recherche maintenue en l'état. Le «changement», ici, requiert un climat combinant modestie et hardiesse, l'impulsion de vigoureuses réformes institutionnelles, enfin une incitation soutenue au renouvellement des attitudes, tant dans le milieu de la recherche que chez ses utilisateurs.
Si nous nous fondons sur notre propre expérience (celle d'une équipe de sociologues de province ayant pu — à contre-courant, et dans des conditions toujours précaires — associer visée scientifique
1. Cet article complète et étend la réflexion sur la recherche locale amorcée dans les Annales de la recherche urbaine , n° 9, automne 1980, «Recherche locale et Pouvoir. L'expérience d'une équipe».
Les Annales de la recherche urbaine, n° 20. — 0180-930-X/83/3/5 $
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