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Les structures sociales de la finance

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Fait partie d'un numéro thématique : Espaces de la finance
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Les structures sociales de la finance

Jérôme Bourdieu, Johan Heilbron et Bénédicte Reynaud

1 - Pour se faire une idée du bouleversement produit par l'invasion des banques d'affaires américaines dans le monde clos et confortable de la City de Londres, pourtant le système financier le plus proche de celui des États-Unis, on peut lire le récit d'un insider, Philip Augur, The Death of Gentlemanly Capitalism, Londres, Penguin Books, 2000. Sur la financiarisation, voir François Ches- nais (éd.), La Mondialisation financière. Genèse, coût et enjeux, Paris, Syros, 1996 ; Neil Fligstein, « Le mythe du marché», Actes de la recherche en sciences sociales, 139, sept. 2001, p. 3-12; Sandrine Paillard et Bruno Amable, «Intégration européenne et systèmes financiers : y a-t-il convergence vers le modèle anglo-saxon? », CEPREM.AP, non publié, 2000; Michael Useem, Investor Capitalism. How Money Managers are Changing the Face oj Corporate America, New York, Basic Books, 1996.

2 — Sur les questions comparatives du capitalisme, voir «Économie politique du capitalisme », L'Année de la régulation, vol. 6, 2002-2003.

3 - Stephen Prowse, « Corporate Governance : comparaison internationale», Revue d'économie financière, 31, 1994, p. 119-158.

4 - Mary O'Sullivan, Contests for Corporate Control. Corporate Governance and Economic Performance in the United States and Germany, Oxford, Oxford University Press, 2000.

5 - Selon une enquête du Monde du 15 juin 2001, 45 % des actions des grandes entreprises françaises appartiennent aux fonds d'investissements étrangers.

a logique de financiarisation, c'est-à-dire le changement du rapport de force social au profit d'une forme particulière de capital, le capital financier, et de ses acteurs, ses porte-parole et ses institutions, représente sans doute l'une des transformations majeures du monde social du dernier quart du xxe siècle. Les traits les plus apparents de ce processus sont régulièrement signalés et commentés : prolifération de nouveaux produits financiers (comme certaines options et autres produits dérivés), triomphe de la finance de marché et de la Bourse par rapport aux autres modalités de financement (notamment l'autofinancement, le prêt bancaire), prises de contrôle financières, mouvements spéculatifs, scandales financiers (Enron, Crédit lyonnais)1.

Pour comprendre ce que désigne la logique de la financiarisation, il faut prendre en compte la variété des structures financières parmi lesquelles figurent le modèle «rhénan» (Allemagne, Japon) et le modèle anglo-saxon (États-Unis, Grande-Bretagne)2. Le premier, structuré autour des banques qui interviennent sur l'ensemble des activités financières, se distingue en particulier par l'importance du financement bancaire dans l'endettement des entreprises (qui atteint 94 % en Allemagne et 91 % au Japon), le reste provenant du marché. Il en résulte des réseaux de relations de long terme entre banque et industrie. Le second — le modèle anglo-saxon — se caractérise au contraire par un recours massif au marché (55 % de l'endettement aux États-Unis et 23 % en Grande-Bretagne)3. Le capital des entreprises appartient surtout aux investisseurs institutionnels qui assurent la gestion de l'épargne : fonds de pension, organismes de placements collectifs ou mutual funds (l'équivalent français des sicav), compagnies d'assurance-vie, fonds spéculatifs ou hedge funds. Leur objectif commun est la rentabilité maximale et la liquidité immédiate du capital. Aux États-Unis, les investisseurs institutionnels détiennent actuellement presque 60 % des actions cotées (contre moins de 15 % en I960)4. En Grande-Bretagne, cette proportion est encore plus élevée et atteint plus des deux tiers. Si le rôle des investisseurs institutionnels a aussi rapidement augmenté dans des pays comme la France, l'Allemagne et le Japon, sans pour autant atteindre le poids qu'ils ont dans les pays anglo-saxons, c'est surtout à cause des fonds d'investissements collectifs (comme les sicav en France) et les fonds de pension étrangers5. La puissance contemporaine de la finance tient à ce que les investisseurs institutionnels, tout en étant chacun des actionnaires minoritaires, ont instauré un mode de gouvernement des entreprises (la corporate governance) qui contraint les managers à agir au profit des actionnaires, imposant une

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