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"L'Amérique, ça marche !"

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Notes sur une agence d'emploi privée à New York

Fait partie d'un numéro thématique : L'exception américaine
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Frédéric Viguier

« L'Amérique, ça marche!»

Notes sur une agence d'emploi privée à New York

merica Works : « l'Amérique travaille » mais aussi « l'Amérique, ça marche ». Il s'agit d'une petite agence d'emploi privée à but lucratif : elle forme (rapidement) des bénéficiaires d'aides sociales publiques et leur propose des emplois en rapport avec leurs (faibles) qualifications. La géographie de son implantation sur le territoire américain correspond aux réseaux de ses deux fondateurs et dirigeants, anciens administrateurs sociaux. Elle est aujourd'hui présente à New York City et à Baltimore où des contrats la lient aux municipalités ; à Albany, capitale de l'État de New York et à Indianapolis, capitale de l'Indiana, pour les contrats passés avec ces deux États. Des contrats antérieurs avec l'État de l'Ohio, du Massachusetts et avec le comté d'Érié (État de New York) n'ont pas été renouvelés - le gouvernement de l'Ohio et le comté d'Érié faisant valoir que les coûts étaient trop élevés pour des résultats insuffisants, le Massachusetts dénonçant son contrat en 1987 pour facturations indues 1. Les observations utilisées dans cet article ont été réalisées dans la plus importante des antennes de l'entreprise : celle de New York City où se trouvent les bureaux des dirigeants fondateurs.

Fondée en 1984, America Works est donc une petite entreprise, employant entre ses différents bureaux quatre-vingts personnes environ. Si les deux fondateurs, Peter Cove et Lee Bowes, ont acquis au cours des années 1970 une connaissance parfaite des rouages et des agents de l'administration du Welfare State, ils n'ont jamais dirigé d'agence fédérale. Lorsque l'élection de Ronald Reagan a signé le déclin de l'administration publique du Welfare, ils n'avaient pas de position satisfaisante à défendre et ont ainsi pu se reconvertir très vite, tirant argument de leur passé dans les différentes agences pour étayer leur discours sur la fatalité de l'inefficacité bureaucratique et sachant néanmoins mobiliser leurs réseaux politico-administratifs pour obtenir des contrats. Peter Cove a un passé d'administrateur social dans différentes agences publiques et fondations caritatives privées. Sa femme, Lee Bowes, cofondatrice, détient un masters de la School of Social Work 2 de l'université de Columbia et un Ph D de sociologie délivré par la Boston University

en 1978. Outre ses activités de dirigeante d'America Works, Lee Bowes a conservé des liens avec le monde académique dans la discipline peu autonome du social work. Elle enseigne comme professeur intervenant (non titulaire) à la School of International and Public Affairs de l'université de Columbia dans les matières suivantes : management des ressources humaines (human resources management) et techniques de management innovant en politique sociale (social policy innovative management techniques).

La privatisation de la gestion du Welfare

Avant d'exposer les effets de la « réforme » du Welfare (c'est-à-dire de son démantèlement), il faut expliquer ses formes et ses aspects institutionnels pour comprendre l'existence d'une entreprise comme America Works. Jamais, cela mérite d'être rappelé, l'État social n'a été aussi développé aux États-Unis qu'en France. Les programmes de lutte contre la pauvreté et en particulier la « guerre contre la pauvreté », lancée par le président Johnson, ont toujours été critiqués pour avoir élargi indûment les compétences du gouverne-

1 - Ces renseignements ont été trouvés dans les archives du New York Times, mais il ne s'agit sans doute là que des justifications publiques de ruptures de contrat vraisemblablement provoquées par les luttes menées par les services sociaux publics de chacune de ces collectivités.

2 — Parce que les champs universitaires français et américain ont une structure très différente, les traductions littérales des disciplines ou des institutions universitaires risquent d'engager des présupposés erronés. Pour contrôler les effets de traduction, il faudrait être en mesure d'objectiver les différences de logiques intellectuelles et organisation- nelles dans les deux pays, en particulier dans les disciplines de l'administration sociale ou publique. Faute de mieux, le maintien ou la citation systématique des désignations en anglais constituera pour l'auteur et les lecteurs un rappel permanent à la vigilance contre le « national- centrisme ». Rappelons simplement que les schools américaines sont des départements universitaires professionnalisants pour étudiants titulaires d'un diplôme de fin de premier cycle universitaire (bachelor oj arts, В. А. ou bachelor oj sciences, В. S.) ; elles octroient un masters, puis éventuellement un Ph D. Ces schools ont une indépendance financière par rapport à leur université beaucoup plus grande que les départements universitaires français et sont inscrites dans une hiérarchie bien plus prégnante qu'en France. Quant aux disciplines de social work ou de public administration, les différences principales avec les formations de travailleurs sociaux, les IRA ou l'ENA en France sont directement liées à la minceur croissante de l'État social aux États-Unis : les débouchés des étudiants américains se trouvent donc essentiellement dans le secteur privé (fondations, entreprises, etc.).

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