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Une faillite politique

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Entretien avec un militant du PCF

Fait partie d'un numéro thématique : Esprits d'État
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ALAIN ACCARDO

UNE FAILLITE POLITIQUE

Entretien avec un militant du PCF

Bien qu'il se soit montré encore plus pudique et mesuré qu'à l'ordinaire (« c'est une souffrance qu'on cache »), André B., ancien militant du PCF, n'a pu s'empêcher de donner à son propos, pourtant fortement euphémisé, l'accent de désespoir lucide qui marque le constat d'un échec personnel ressenti comme irrémédiable.

Vue de l'extérieur, sa condition pourrait sans doute paraître enviable à plus d'un. Après avoir enseigné quelques années dans un lycée comme professeur certifié, il a été détaché dans l'enseignement supérieur où il est devenu, après sa thèse, professeur titulaire. Spécialiste estimé et faisant preuve d'une grande conscience professionnelle, il a tout au long de sa carrière joui d'une réelle considération de la part de ses étudiants et de ses collègues, même si son engagement politique notoire lui a valu, à certaines périodes, quelques démêlés avec les uns ou les autres. Compte tenu de sa position et de sa trajectoire professionnelle, on serait tenté de penser que, parvenu à la retraite, il aurait de bonnes raisons de faire un bilan positif et même de se considérer comme un privilégié. En effet, en compagnie de sa femme qui termine elle-même une carrière universitaire de maître de conférences, il partage son existence entre sa résidence principale, une maison individuelle située dans un quartier semi-résidentiel, et sa résidence secondaire à la campagne ou son chalet à la montagne. Il ne lui reste plus, semble- t-il, qu'à jouir paisiblement et confortablement de sa retraite en pratiquant l'art d'être grand-père et en promenant sur l'agitation du monde environnant un regard ironique ou indulgent.

Mais, pour André B., une existence sans foi agissante et militante, n'est pas une véritable vie. C'est tout au plus une survie. Non pas qu'il ait jamais pris plaisir à

l'activisme fébrile dans lequel sont installés beaucoup de militants politiques. Il ne cache pas avoir ressenti comme fastidieuses et pénibles les servitudes inhérentes à son engagement. S'il a supporté ces désagréments aussi longtemps, c'est parce que, explique-t-il, cela faisait partie du prix à payer pour conserver l'estime de soi-même, pour se réaliser moralement en défendant une juste cause, en participant à un combat noble et généreux (« pour le pain, la liberté et la paix ») qui était censé donner tout son sens à sa vie. En l'occurrence le récit d'André B. n'échappe pas totalement à l'illusion téléologique qui guette en général les récits autobiographiques et qui amène à reconstruire après coup comme vocation impérieuse et naturelle (« je suis allé au communisme comme on va à la fontaine ») et comme actualisation inconditionnelle d'une essence préexistante, une trajectoire socialement conditionnée.

A l'époque de son adhésion à l'UEC (l'Union des étudiants communistes, annexe estudiantine du PCF) en 1950, André B. n'était encore qu'un apprenti intellectuel occupant une des positions les moins distinc- tives du champ intellectuel où l'avait conduit un parcours scolaire sans accident notable. Son père, instituteur, et sa mère, employée des postes, tous deux d'origine paysanne très modeste, avaient amorcé, en accédant, grâce à l'Ecole, à la petite-bourgeoisie de l'entre-deux-guerres, un commencement d'ascension sociale qui devait, à leurs yeux, se poursuivre avec la réussite sociale de leurs enfants. Seul enfant du couple, André B. n'en fut que mieux voué à réaliser les espérances familiales dont l'accomplissement passait encore et toujours par la reconnaissance de l'institution scolaire. Le fait que le père d'André B. ait été l'un de ces instituteurs normaliens de la lile République, profondé-

ACTES DE LA RECHERCHE EN SCIENCES SOCIALES, N° 96"97, MARS 1993,

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