122 Arts Asiatiques Tome 77 – 2022 Chine
La section Chine du musée national des arts asiatiques – Guimet s’est enrichie en 2021 d’un grand plat à décor bleu et blanc (fig. 3) réalisé dans les ateliers de Jingdezhen durant la période dite de
«Transition » entre les dynasties Ming et Qing (second tiers du xviie siècle). Cet achat s’inscrit dans une politique d’acquisition qui vise à compléter la collection de référence du musée qui contient peu d’oeuvres de cette période. Marquée par des affrontements et par un contexte
économique et social difficile, la période dite de «Transition » se caractérise
par la désorganisation de l’appareil de production. Les ateliers de Jingdezhen, libérés de la normalisation imposée par le gouvernement central, réinventent alors le registre décoratif et cherchent de nouveaux débouchés. Ce plat témoigne bien
de ce souffle nouveau : la «mise en page »
du décor s’affranchit du cloisonnement par des frises géométriques qui caractérise
la période antérieure. Les fleurs
semblent prendre racine au-delà des limites du plat, l’espace central est animé par une peinture dont le rouleau semble s’ouvrir, offrant ainsi une sensation de mouvement caractéristique des décors sur porcelaine du milieu du xviie siècle.
Ce style perdure dans les premières décennies de la dynastie Qing.
Dans le domaine des bronzes, le milieu du xviie siècle voit le développement de vases archaïsants portant un surprenant décor de taches d’or. Il s’agit d’un groupe connu des spécialistes. On s’accorde à penser que la plupart des pièces datent
de la fin de l’époque Ming (milieu xviie siècle) ou du début de la dynastie Qing (fin xviie-xviiie siècle). Il existe en effet quelques objets pouvant servir de jalon. C’est le cas de bronzes datés du règne de
l’empereur Chongzhen (r. 1628-1644) et du règne de Kangxi (r. 1661-1722) 1. Des
1. Rose Kerr, Later Chinese Bronzes, Londres, Bamboo
Publishing (Victoria & Albert Museum Far Eastern Series, 5), 1990, p. 19 ; Robert Mowry, China’s Renaissance in Bronze. The Robert H. Clague collection of later Chinese bronzes, 1100-1900, Phoenix, Phoenix Art Museum, 1993, cat. 34, p. 167 et suivantes ; Michel Maucuer, Bronzes de la Chine impériale, des Song aux Qing, Paris, Paris musées,
2013, p. 128, cat. 76. 2. Michael Goedhuis, Chinese and Japanese Bronzes (A. D. 1100-1900), Londres, Colnaghi Oriental, 1989,
cat. 58 A.
sources écrites, dont la date de production est discutée, sont également prises en compte pour l’étude de ce groupe. De nombreux bronzes à décor de taches d’or portent une marque apocryphe
du règne de l’empereur Xuande (r. 1425-1435). Ce règne était réputé en
Chine pour l’excellente maîtrise de la technique des bronzes, en particulier des brûle-parfums. Le musée Guimet a acheté en 2021,
deux brûle-parfums de taille et de style
différents appartenant à ce type décoratif (fig. 4 et 5). Ils portent tous deux
une marque apocryphe Xuande, l’une en écriture dite régulière, l’autre en style
sigillaire. Ces bronzes s’inscrivent dans
une tradition de style archaïsant dans
laquelle l’hommage et la citation artistique ont une place importante.
Le brûle-parfum tripode (fig. 5) fit partie
de la collection de Michael Goedhuis, qui s’attacha à l’étude des bronzes chinois de l’époque moderne2.
Figure 3. — Plat, dynastie Qing, début du règne de l’empereur Kangxi (r. 1662-1722), ateliers de Jindgezhen. MA 13147, porcelaine, décor bleu et blanc sous couverte, D. 38,4 cm. Achat en vente publique, 2021. © RMN-Grand Palais (MNAAG, Paris)/ Thierry Ollivier.