96 Arts Asiatiques Tome 70 – 2015 nombreuses représentations de rapaces aux ailes déployées, des griffons ailés, des frises de lions et même un personnage à tête léonine qui illustrent sans doute des mythes dépeints sur des vases qui peutêtre accompagnaient les défunts. Ce sont des animaux plus réels, principalement des taureaux, qui ont la faveur des peintres de la culture suivante de Kulli. Les personnages hybrides ou les animaux fantastiques disparaissent en effet des décors peints sur les vases avant de réapparaître plus tard sur de nouveaux supports de la civilisation de l’Indus, sur des amulettes en métal ou en terre cuite et sur certains sceaux en stéatite qui par ailleurs montrent fréquemment des représentations d’unicornes et de zébus évoqués de pro il. Ce récipient polychrome en forme de taureau illustre aussi la maîtrise qu’a la culture de Nal de l’espace et de l’art du modelage, son sens des volumes et des formes, conférant un caractère presque monumental à cette igure de taureau qui s’inscrivait peut-être dans un cadre cultuel. La pièce a été acquise en mémoire de Jean-François Jarrige (1940-2014), président du musée (1986-2008), qui avait voué sa vie et ses recherches aux cultures de la préhistoire, sur les marges de l’Inde. Pierre Cambon & Gonzague Quivron

Japon

En 2014, le musée a reçu en don de la Société des amis du musée Guimet un casque japonais (ig. 14) de la seconde moitié de l’époque d’Edo (1615-1868). Ce casque porte en armoiries le mon

(emblème) dit wachigai, fait de deux cercles entrelacés, des Wakizaka. Un représentant de cette famille, Yasuharu Wakizaka, s’était illustré à la bataille de Sekigahara qui détermina l’accession au pouvoir de Tokugawa Ieyasu (1543-1616). À partir de 1672, la famille se vit accorder l’administration du ief de Tatsuno dans la province de Harima, qui représentait un revenu de 50 000 koku. Le timbre du casque, non signé, mais attribué à la célèbre école Myōchin, est composé de soixante-deux lamelles de fer rivées, dont la forme, renfoncée en son milieu et plus haute dans sa partie arrière, est appelée tenkokuzan. Le maedate (ornement frontal), qui permet de reconnaître les combattants dans la bataille, est particulièrement original : il représente une griffe de dragon enserrant un joyau, tandis que du crin, comme sortant de la patte du dragon, recouvre le dessus du casque. Le thème des dragons pourchassant des perles ou joyaux, et répandant le tonnerre au milieu des nuages, sujet bouddhique, est ici destiné à symboliser à la fois la force démesurée et le succès. Le traitement témoigne non seulement de la volonté d’impressionner l’adversaire, mais de la créativité du commanditaire et de l’ingéniosité de l’artisan. Ce casque est assorti d’un masque grimaçant en fer, menpō, dû à un artisan de la même école que le casque, ainsi que d’un couvre nuque et d’un gorgerin en fer laqué noir bordé de poil d’ours, animal emblématique du courage. Cette très belle acquisition illustre pleinement le développement des arts liés à la guerre et à l’apparat dans le Japon féodal, et témoigne du rôle de la classe militaire dans la culture japonaise tout au long de son histoire. Michel Maucuer Figure 14. — Casque aux armoiries de la famille Wakizaka et son mempō, époque d’Edo, e-e siècle. MA 12684, fer, laque et poils, H. 40 cm ; L. 42 cm ; P. 39 cm. Achat. © RMN MNAAG/ Thierry Ollivier.