Antiquités africaines t. 8, 1974. p. 89-101
POUR UNE ÉTUDE SOCIALE DE L'APOLOGIE D'APULÉE
par Henriette PAVIS D'ESCURAC
L' Apologie ou le Pro se de magia qu'Apulée dut prononcer pour sa défense, lorsqu'il se vit accusé devant le proconsul d'Afrique Claudius Maximus ', au conventus de Sabratha, est, dans le concert de la littérature latine, un texte aussi insolite que riche d'enseignements multiples. Il y a bien des façons de lire V Apologie 2.
On peut s'interroger sur la religion personnelle de ce dévot, avide de surnaturel, hanté, comme l'écrivit P. Monceaux 3, par « le tourment de l'occulte », et dont la tradition fit, en Afrique, à l'époque de saint Augustin, un puissant thaumaturge 4. On peut lire Apulée en analysant les mérites de son éloquence et de sa science dialectique mises, dans Γ Apologie, au service de sa propre sécurité. Les particularités de style et de langue de cet orateur qui deviendra l'idole des foules de Carthage et la gloire de l'Afrique offrent aussi matière à de nombreuses études.
Si l'on prend garde que toute la seconde partie de Γ Apologie, à partir du paragraphe LXVI, tourne autour de problèmes de dot, de donations, de legs, d'héritages, — à tel point que, dans sa recherche sur Apulée et le droit privé, Norden 5 fit appel aux exemples de Γ Apologie bien plus qu'à ceux que peuvent contenir les Métamorphoses et les Florides — , et si l'on se souvient que les questions d'intérêts ne furent nullement étrangères à la naissance du procès, on conçoit les ressources que peut offrir Γ Apologie à la connaissance de la société d'Oea et des conditions de vie de ses habitants. C'est à une lecture de Γ Apologie tournée dans une perspective de vie sociale et quotidienne que veut s'attacher cette esquisse.
1 Le procès se déroule au conventus de Sabratha, sous le règne d'Antonin le Pieux (Apol., LXXV, 2 : ante has imperatorii Pii statuas). Rohdf. (E.), Zu Apuleius, Rhein. Museum, t. 40, 1885, p. 66, proposait la date de 157,158. Guey (J.), Au théâtre de Leptis Magna. Le proconsulat de Lollianus Avitus et la date de l'Apologie d'Apulée. R.E.L., t. 29, 1951, p. 307-317, suggère la date de 158 159. Thomasson (B.E.), Die Statthalter der römischen Provinzen Nordafrikas von Augustus bis Diocle- tianus. Lund, 1960, p. 75, considère, pour sa part, que la datation précise des proconsuiats de Lollianus Avitus et de Claudius Maximus ne peut encore être établie avec certitude.
2 Valletti- (P.), U Apologie d'Apulée. Paris, 1908.
3 Monceaux (P.), Les Africains, étude sur la littérature latine d'Afrique, les païens. Paris, 1894, p. 277.
1 Monceaux (P.), Apulée magicien, histoire d'une légende africaine. Revue des Deux-Mondes, fév. 1 888 ; Monceaux (P.), Apulée, roman et magie. Paris, 1889.
5 Norden (F.), Apulejus von Madaura und das römische Privatrecht. Leipzig, 1912.
