PRODUCTION ET PRÉLÈVEMENT A BEAUMESNIL VERS 1780
Les javelles à peine liées, la double présence du paysan et du décimateur marque bien, et très tôt, la dichotomie de la production : d'un côté ce qui revient au paysan, de l'autre la première manifestation d'une cascade de prélèvements, d'une rente foncière multiforme — royale, seigneuriale, décimale, «bourgeoise» qui grève cette production (1).
Production et prélèvement ont provoqué de nombreuses polémiques, nourries de résultats contradictoires, polémiques plus vives et plus anciennes pour le poids de la rente trop longtemps chargé de connotations politiques. Si les débats sont aujourd'hui plus sereins, la diversité régionale et locale étant reconnue, le problème reste entier. Evaluer la production et les diverses ponctions demeurent des préalables à toute étude socio-économique du monde rural (2).
Une paroisse, Beaumesnil, une période, les années 1780, une source privilégiée, la matrice fiscale du vingtième, les faiblesses, pour le moins les limites, de cette étude sont évidentes : pas d'échantillons pour examiner les différences spatio-temporelles, pas de contre-épreuve systématique, mais beaucoup d'hypothèses, trop d'hypothèses (3).
Et pourtant nous avons l'impression que notre analyse recouvre une part non négligeable de la réalité bocaine. Subjective, cette impression est aussi fondée sur quelques critères concrets, tels que la vraisemblance des chiffres proposés, leur
(1) Par rente « bourgeoise », on entendra ici le loyer prélevé en vertu de la possession utile du sol, qu'il soit perçu par un ecclésiastique, un noble ou un roturier (urbain ou rural).
(2) Une première approche du monde rural bocain a déjà été tentée par l'intermédiaire de la propriété et des propriétaires. Cf. B. Garnier, « Les hommes et la terre dans le Bocage Normand au XVIIIe siècle. Recherches en cours », communication au 105e Congrès National des Sociétés Savantes, Caen, avril 1980, à paraître.
(3) A.D. Calvados, C 5776-5777, Vingtièmes, Beaumesnil.
