Alessandra DORIA*

BIOGRAPHIES RÉVOLUTIONNAIRES ET MIGRATIONS : LES FRANçAIS À NICE EN 1794 D’APRèS LES CARTES DE SÛRETÉ

Les registres des cartes de sûreté – sorte de cartes d’identité délivrées aux citoyens dans les villes les plus importantes à partir de septembre 1792 – représentent une source d’archives originale : en tant que sources nominatives, ils permettent de faire sortir de l’anonymat des biographies «mineures » des hommes et des femmes ayant participé à l’aventure révolutionnaire ; analysés en série, ils permettent de dresser le tableau collectif d’une population à un moment donné. Ceux relatifs aux cartes délivrées en décembre 1794 à Nice recensent plus de trois mille individus – 3 519, pour être précis –, hommes et femmes, sur une population d’environ 20 000 habitants, en 1793. L’exemple niçois est ainsi un terrain privilégié pour l’analyse sérielle, cartographique et biographique des données. Le cas d’une ville occupée militairement par les troupes françaises dès l’automne 1792, mais soumise au retour annoncé des Piémontais, toujours très présents dans l’arrière-pays niçois, invite à considérer la question fondamentale des migrations. Entre l’évacuation des émigrés français qui avaient trouvé refuge dans la ville, le départ des autorités et des soldats piémontais et l’arrivée des Français, militaires et civils, les déplacements d’hommes et de femmes y sont continuels. Par là même, ils constituent une réalité liée aux enjeux majeurs de la Révolution à Nice : la défense de la République sur la côte méditerranéenne, l’intégration de l’ancien comté à la France révolutionnaire, les oppositions et la Contre-Révolution.