Introduction : miroir du présent, inventivité du passé

Cet article constitue un exposé synthétique de recherches menées en plusieurs phases au cours des dernières années (1). Il se propose d’apporter une contribution à notre compréhension des modes de gestion de l’eau déployés par les sociétés urbaines aux époques médiévale et moderne dans un petit coin du nord-ouest de l’Europe. En se penchant sur le cas particulier de Bruxelles, il cherche à mettre en évidence les manières dont cette ville, ses habitants et ses institutions, ont fait face aux contraintes liées à la présence de l’eau, à comprendre comment ils ont tenté d’en concilier les usages, et avec quels dispositifs techniques et quels impacts sur leur milieu de vie. Cette enquête fut menée à la lumière de la situation récente de la Région bruxelloise, un territoire sur lequel de très nombreuses questions et problèmes liés à la présence de l’eau, à sa qualité, à sa gestion, sont posés depuis des décennies. Depuis une quinzaine d’années, cependant, les évènements qui défrayent la chronique de l’eau à Bruxelles (inondations, pollution, enterrement des ruisseaux dans les réseaux d’évacuation des eaux usées, déficit des systèmes d’épuration…) ont fait émerger un nouveau type d’acteurs : des collectifs de citoyens-habitants. Ces collectifs se sont retrouvés aux prises avec les porteurs de projets d’urbanisme ou de travaux d’infrastructure, qu’ils soient institutionnels ou opérationnels, face auxquels ils ont fait émerger un nouveau type de réflexion et de demandes vis-à-vis de la «question » de l’eau à Bruxelles (2). Menant un remarquable travail de fond, ils remettent au cause la politique actuelle de la gestion de l’eau de la Région, en pointant l’inertie d’un système hérité du XIXe siècle, qui, selon leur analyse, consistait principalement à mettre l’eau «en tuyau » , à l’écart des regards mais aussi des savoirs «profanes » . Ramenant à la surface les dimensions politiques, sociales et écologiques des choix techniques, ils proposent des alternatives à la gestion actuelle, tant au niveau des dispositifs techniques que des dispositifs politiques d’encadrement de cette gestion. De plus en plus convaincus que les solutions actuellement apportées par les autorités publiques ne sont pas à la hauteur des problèmes soulevés, ils cherchent à faire bifurquer l’hydro-système bruxellois vers une nouvelle ère (3). Dans leur enquête, ces collectifs citoyens utilisent régulièrement l’histoire comme support réflexif. Essayant de comprendre comment le système socio-tech-

Bruxelles à l’épreuve de ses eaux. Inventivité hydrique en milieu urbain aux époques médiévale et moderne

Chloé DELIGNE*

ARCHÉOLOGIE DU MIDI MÉDIÉVAL, TOME 33 -2015, 101-109 101