MELANGES
SIEYÈS, LES FEMMES ET LA VÉRITÉ UN DOCUMENT INÉDIT (1)
La position de Sieyès en matière d'« admission des femmes au droit de cité », pour reprendre le titre de l'intervention de Condorcet dans le n° V (3 juillet 1790) du Journal de la Société de 1789, est habituellement commentée à partir de deux phrases et d'un court extrait de ses œuvres imprimées, disponibles dans le reprint Edhis. Ce corpus particulièrement restreint peut être contextualisé, à l'intérieur de sa théorie politique, dans les termes suivants.
« L'égalité de civisme » (ou « égalité des droits civils ») constitue l'universalité des citoyens : Sieyès partage ainsi avec Condorcet l'idée que les hommes et les femmes ont des droits égaux. Mais il n'est pas possible, selon Sieyès, de confondre « l'égalité de civisme » avec « l'égalité des droits politiques » spécifique de l'établissement d'une représentation politique garante d'une liberté aussi étendue que possible. Ici les droits politiques par lesquels « la société se forme et se maintient » sont exercés par les « citoyens actifs » qui ont seuls « le droit de prendre une part active dans la formation des pouvoirs publics ».
A ce titre, « les femmes sont partout, bien ou mal, éloignées de ces sortes de procuration » (Qu'est-ce que le Tiers État?, 1789, p. 26) dans la mesure où elles appartiennent dans leur globalité à la masse des citoyens qui disposent uniquement de « droits passifs », droits civils qui garantissent
(1) Je remercie tout particulièrement Dominique Godineau pour l'aide qu'elle m'a apportée dans l'établissement du commentaire de ce document inédit.
Annales Historiques de la Révolution Française — 1996 — N° 4
