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La naissance d'une légende parisienne : le miracle du Lendit

Published online by Cambridge University Press:  25 May 2018

Anne Lombard-Jourdan*
Affiliation:
École Pratique des Hautes Études, VIe Section

Extract

Le miracle du Lendit est un miracle essentiellement parisien : une hostie dérobée, en même temps qu'un ciboire, en l'église Saint-Gervais de Paris, cachée par le larron sur le chemin de Saint-Denis fut miraculeusement recouvrée dans la Plaine du Lendit par le clergé assemblé des deux villes. Seuls, au début du XVIIe siècle, deux historiens de Paris, Du Breul et Doublet, ont, semblet- il, consigné l'événement. Tous deux lui assignent la date de 1274, que portait l'inscription figurant au bas d'un vitrail—auj ourd'hui disparu—qui se trouvait dans l'église de Saint-Gervais, et leurs récits sont des commentaires de ce vitrail.

Type
Culture et Société
Copyright
Copyright © Les Éditions de l’EHESS 1973

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References

1. Dans ses additions à Bonfons, Pierre, Les Antiquités et choses plus remarquables de Paris, Paris, Nie. Bonfons, 1608, p. 233 Google Scholar ; récit qu'il reprend dans son Théâtre des Antiquitez de Paris, éd. de 1612, p. 807 et éd. de 1639, p. 601.

2. Histoire de l'abbaye de S. Denys en France…, Paris, 1625, pp. 397-399.

3. Cf. le plan de Willaume (1735) annexé à L. Brochard, Saint-Gervais, histoire du monument…, Paris, 1938, 446 p., pi. — L'actuelle chapelle Saint-Pierre ouvre sur le collatéral sud.

4. Quittance du 8 novembre 1510, pour une somme de 140 livres, mentionnée dans un acte de fondation : Arch. nat., Minutier central, fonds XXVI, n° 49 (Anciens notaires de la fabrique Saint-Gervais, J. de Monhenault), à la date du 23 juin 1624. Voir texte à l'Appendice.

5. Il appelle Marie Favart « sa predecesseure » et fait allusion à la fosse de « ses prédécesseurs ». Il possède et présente la quittance du vitrail. Voir note 4.

6. «… ung epitaphe de pierre de marbre ou cuyvre qui sera mise et posée sur ledit sieur de Belin ou lesvee contre le mur au-dessus de leur autrez banc cloz estant en ladite chapelle Saint-Pierre. »

7. Voir en Appendicele passage le plus important de cet acte de fondation. Il s'inspire de la dévotion au Saint Sacrement, chère au xvne siècle et qui donna naissance, en 1627, à la « Compagnie du Saint-Sacrement ».

8. L. Brochard, op. cit., pp. 47-49 et plan.

9. Des vitraux, attribués à Robert Pinaigrier (1490-1560), garnissent les fenêtres de la chapelle voisine, dédiée à la Vierge et datée de 1517. Ils représentent des scènes de la vie de celle-ci et comportent, eux aussi, des vers en écriture gothique, à raison de 2 sous chacune des 4 scènes réparties dans les 2 lancettes de la verrière, donc 8 en tout.

10. Le récit de Doublet étant beaucoup plus long que celui dû à Du Breul, nous ne reproduisons ici que les passages les plus importants.

11. Cette « petite croix » était un des points extrêmes de la Croisée de Paris (1400). Delamare, Traité de la Police, IV, 173. — Dans les lettres du roi Jean (6 juin 1354), on lit : « ultra crucem Lenditi et quoddam quadrivium satis prope dictam crucem existens in itinere seu chemino Montis Martyrum ». Doublet, p. 988. Et ailleurs : « Deux autres bornes de marbre par delà la Croix du Lendit(dite la Croix aux Fiensd'ancienneté et depuis la Croix qui panche)par laquelle chaussée l'on va de S. Denys à Paris et sont icelles bornes plantées à l'endroit de la Pointe Lisiart qui fait la séparation de la banlieue de S. Denys et de la ville de Paris, aussi de la chaussée du Roy et de celle de Saint Denys. » Ibid., p. 418. Voir aussi p. 398 et la visite du pavage de la banlieue de Paris du 16 mai 1636. FéLibien et Lobineau, Histoire de la Ville de Paris, 1725, Preuves, II, p. 143 b.

12. Voir, entre autres, le Plan du Terroir de Saint-Denispar Inselin (1708). Bibl. nat., Cartes et Plans, Ge D 5492 et Plan de la Terre et Seigneurie de la Chapelle, par Jean Berthier (1704), Arch. de Saint-Denis, GG 144.

13. Roussel, E., « La bénédiction du Lendit au XIVe siècle », dans Bull, de la Soc. de l'hist. de Paris, 24, 1897, pp. 68 à 79.Google Scholar

14. Doublet, op. cit., p. 398.

15. Arch. nat., S 2245 B, n08 3 et 10.

16. Procès-verbal de la restauration de la Croix penchée(4 mars 1741). Elle était tombée sur le chemin et l'on décide de la rétablir parce qu'elle sert de confins aux pièces de terre voisines et « que d'ailleurs elle peut estre d'une utilité et même d'une nécessité indispensable pour différentes autres occasions ». Arch. nat., L 865, doss. 6. Lambeau, La Chapelle Saint-Denis, P.J. n° 2, p. 578.

17. Sauval, Hist. et rech. des Antiq. de la Ville de Paris, 1724, II, liv. VIII, p. 350.

18. A la suite d'une délibération de la commune de Saint-Denis, le 21 septembre 1793, qui décida la destruction de toutes les marques de féodalité et de religion sur le territoire de Saint-Denis.

19. Les tapisseries du Ronceray d'Angers représentaient plusieurs de ces miracles. Cf. G. de Tervarent, « Les tapisseries du Ronceray et leurs sources d'inspiration », Gazette des Beaux-Arts, 6e période, t. X, 1933, pp. 79-99-

20. Histoire de l'abbaye royale de Saint-Denis en France, Paris, 1706, p. 251. — Piganiol DE LA Force résume le récit de Du Breul relatif au vol opéré à Saint-Gervais et ne parle plus du vitrail. Descr. de Paris…, Paris, 1742, I I I , p. 510 ; éd. de 1765, IV, p. 128. •— Lebeuf, en 1754, mentionne ensemble la profanation des hosties par le larron de Saint- Gervais et par le Juif ; il ne raconte pas les « miracles » et se contente de dire : « L'histoire en est fort connue. » Hist. de la ville et de tout le dioc. de Paris, rééd. Bournon, Paris, 1883- 1893, I, p. 88. — Quant à Sauval, qui ne parle pas du miracle du Lendit, il note, à propos de celui des Billettes, qu'il ne veut pas « apprêter à rire de nouveau aux savans et aux autres qui doutent de l'Histoire du Juif et de l'Hostie ». Op. cit., I, p. 117.

21. Un autre ensemble de même inspiration fut réalisé pour Jacques Foure, évêque de Chalon de 1574 à 1578, pour le choeur de sa cathédrale. Il a aujourd'hui disparu. Cf. Pierre Saint-Julien, Antiquités de Chalon, p. 489.

22. Le compte rendu de cette vente par L. de Farcy a été publié dans la Revue de l'Art chrétien, 1899, pp. 143-146. — Sur l'histoire de cette intéressante tapisserie, voir aussi Farcy, L. de, dans Bull, de la Soc. de l'hist. de Paris, 24, 1897, pp. 125126 Google Scholar ; H. C. Marillier, « The Ronceray tapestries of the Sacraments », dans Burlington Magazine, 59, 1931, pp. 232-239 ; et surtout, G. de Tervarent, « Les Tapisseries du Ronceray et leurs sources d'inspiration », Gazette des Beaux-Arts, 6e période, X, 1933, pp. 79-99.

23. Ce panneau mesure 1,35 m sur 1,80. m II a été très bien reproduit en couleurs dans L'Illustratiëndu 3 décembre 1932, et très mal en noir par G. de Tervarent, art. cit., p. 91, fig. 6. Voir, ici même, planche.

24. Nous avons vu que Doublet parle expressément d'un « livre ». G. de Tervarent pense à un corporal (loc. cit.).Mais l'usage d'un corporal carré de 15 cm sur 15 cm, recouvert de soie brodée ne s'introduisit en France qu'au xvne siècle et ne fut admis universellement qu'au XVIIIe siècle. Cf. Corblet, Histoire dogmatique, liturgique et archéologique du Sacrement de l'Eucharistie, Paris, 1885-1886, t. II, pp. 268-270.

25. L. Brochard, op. cit., p. 50.

26. «Pourtraict de la ville de Saint Denys en France» par Belleforest (1575) ; Plan de l'abbaye de Saint-Denis dans le Monasticon Gallicanumde Dom Germain (1690) ; Plan de la ville levé par Dumesnil et gravé par Inselin, en 1704, et publié par Félibien.

27. Deux dessins conservés à la Bibl. nat., Estampes, Ve 26 g fol. (Coll. Destailleur) : l'un est signé : Riquier ; l'autre est de F. N. Martinet et a été gravé en taille-douce pour E. BÉGuillet, Description historique de Paris et de ses plus beaux monuments…, Paris, 1779-1781, t. II, p. 122. Il a été reproduit par Formigé, J., L'abbaye royale de Saint-Denis. Recherches nouvelles, Paris, 1960, p. 34 Google Scholar, fig. 26.

28. Bibl. mun. de Rouen, ms. 1146 (anc. Y. 56), copie due à frère Jehan Raveneau, à la demande de l'abbé de Saint-Wandrille, en 1467, et exécutée non sur l'original mais d'après une copie provenant sans doute de l'abbaye de Saint-Denis. Publ. par Hellot, A. dans Mémoires de la Soc. de l'hist. de Paris, XI, 1884, p. 126 Google Scholar, § 193. L'auteur, qui, dans la première partie, donne des additions à la Chronique de Guillaume de Nangis, fait oeuvre originale à partir de l'année 1316. Il écrit en français.

29. Sur l'auteur, voir A. Hellot, loc. cit., pp. 6-10.

30. Il est mentionné, le 29 mars 1330 (n. st.), dans un acte du Cartulaire de Notre-Dame de Paris, éd. Guérard, III, p. 257.

31. Il s'agit de Guy « surnommé de Castres » ou Guy Ie r , pour le distinguer de Guy de Monceau (1363-1398). Il fut élu en mars 1326 (n. st.), se démit de sa charge par humilité en 1343 et mourut en 1350. Félibien, op. cit., p. 269 et p. 274. Le continuateur de Guillaume de Nangis écrit à son propos : « … frater Guido de Castris, vir religionis honestate conspicuus, omnique morum honestate praeclarus. » Éd. GéRaud, H. à la suite de la Chron. lat. de Guillaume de Nangis, Paris, 1843, p. 66 Google Scholar. La Chronique parisienne anonymeconfirme ce que Lebeuf avançait d'après une autre preuve : l'abbé Guy était originaire de Châtres sous Montlhéry, c'est-à-dire d'Arpajon, arr. de Corbeil. La localité, dont le nom primitif était Châtres (Castrae, Castris), prit celui d'Arpajon, localité du Cantal, en 1720 seulement, à la demande de son nouveau propriétaire, Louis, marquis de Séverac. Lebeuf-Bournon, IV, p. 137.

32. La justice de l'abbaye de Saint-Denis se trouvait près de l'Estrée, à la hauteur d'Aubervilliers, et non loin de la Croix Penchée. Elle figure sur les plans d'Inselin, de l'Abbé de la Grive, etc.

33. A. Hellot note, en effet, op. cit., p. 126, note 1 : « Faits inédits ».

34. Elle y resta jusqu'à la Révolution.

35. Cette fête dut être instituée peu après l'événement. Elle est encore célébrée.

36. Le principal était le Promptuarium exemplorumd'HéRolt qui eut 48 éditions entre 1474 et 1500.

37. Le découpage des panneaux de la tapisserie a laissé subsister sur celui du Miracle du Lendit les lettres audu mot couteau, qui terminait le 3e vers du quatrain racontant le sacrilège du Juif. Voir planche.

38. L'acte par lequel l'official de Paris rendait compte de l'événement de 1290 est consigné dans la Chroniquede Jean de Thilrode, moine de Saint-Baovn de Gand, écrite vers 1294. Mon. Germ. Hist., Scriptores, XV, p. 557. Le texte est cité par G. de Tervarent qui a regroupé les documents concernant le sacrilège du Juif et la bibliographie du sujet. En 1295, u n e chapelle expiatoire fut élevée sur l'emplacement de la maison du Juif. En 1299, Philippe le Bel y installa les Frères de la Charité Notre-Dame, dits « Billettes ». Le miracle eucharistique est souvent dit : « Miracle des Billettes ». G. de Tervarent, art. cit., pp. 89-94 e t J- Corblet, op. cit., I, p. 477.

39. Il figure sur l'un des douze vitraux exécutés, entre 1612 et 1622, pour la galerie de l'ancien charnier de l'église Saint-Étienne-du-Mont à Paris, mais aussi à l'église Saint- Alpin de Châlons-sur-Marne et sur un fragment de vitrail de l'église Saint-Éloi de Rouen, conservé au Musée de la ville. J. Corblet, op. cit., II, p. 542.

40. Une version en fut jouée à Laval, en 1533. Peut-être en existait-il une dès 1444. E. de Certain, « Chronique rimée de Guillaume Ledoyen, notaire à Laval au xve siècle », Bibl. Éc. des Chartes, XIII, 1852, p. 391 et note 1.

41. « Le Jeu et mystère de la saincte Hostie par personnages, pièce en vers français imprimée à Paris pour Jean Bonfons, Rue Neufve Nostre Dame, à l'enseigne S. Nicolas ». S.d., in-8°, car. goth., 36 ff. non chifï. Bibl. nat., Yf. Rés. 2915. Grâce aux indications de l'adresse, nous pouvons placer cette édition entre 1547 et 1568. Cf. Renouard, Ph., Répertoire des imprimeurs parisiens…, Paris, 1965, p. 42 Google Scholar.

42. Ébauchée par G. de Tervarent, art. cit.

43. Pp. 94-95. — Le récit de Corrozet est repris par Pierre Bonfons, Les Antiq. et choses plus remarquables de Paris(1605), pp. 175-176 et dans l'éd. augm. par Du Breul du même ouvrage (1608), ch. 29, p. 307 v°, avec quelques variantes. — Le vitrail exécuté entre 1612 et 1622 pour Saint-Étienne-du-Mont est l'illustration indiscutable, très précise et très proche, du Jeu et Mystèreen vers publié chez Jean Bonfons. 44. Il ne figure pas dans l'édition du même ouvrage de 1605.

45. « Elle se signe et prens du feu et l'hostie saut au platel. » Jeu de scène indiqué dans le Mystèrepublié par J. Bonfons.

46. Lebeuf, Hist. de la ville et de tout le dioc. de Paris, éd. Bournon, Paris, 1883, t. I, p. 88.

47. Corrozet, Antiquités, 1550, p. 95.

48. Dans le Mystère, deux bourgeois emportent l'un le canivet, l'autre la chaudière pour en faire « relique, car le miracle est authentique ».

49. Mentionnons toutefois une gravure en taille-douce (86 X 142 mm) signée : L. Fruytiers sculp., et qui semble dater du xvme siècle. Musée Carnavalet, Estampes, Topogr. 62 E, P.C.). Elle représente un personnage déguenillé à l'intérieur d'une chapelle. Il tient un ciboire en main et s'apprête à fuir à l'aide d'une échelle à travers une verrière.

50. L. de Farcy fait valoir que d'autres commandes furent faites, à la fin du xve siècle, à des tapissiers parisiens par des chanoines de la cathédrale d'Angers : Angers aurait eu l'habitude de s'adresser à Paris. — G. de Tervarent pense au contraire •—• et c'est l'opinion qui prévaut au Dépôt du Mobilier national — que la tapisserie est d'origine flamande. Il remarque que plusieurs miracles qui y figurent se trouvent dans la Fleur des histoiresde Jean Mansel, ouvrage composé pour un duc de Bourgogne, sans doute Philippe le Bon (1396-145 7), et qui demeura manuscrit.

51. Ceci est d'ailleurs si universellement vrai qu'on pourrait faire le recensement et établir une typologie des miracles, comme on l'a fait pour les thèmes folkloriques.

52. Voir note 20.

53. Cf. H. Friedrich, « Die Anfânge des Christentums und die ersten Kirchengrundungen in rômischen Niederlassungen im Gebiet des Nieder- und Mittelrheins und der Mosel », Bonner Jahrbuch, t. 131, 1926, pp. 106-107. — Voir aussi l'examen de la légende de saint Materne et du dieu Nam à Dinant par F. Rousseau, « Fausses étymologies créatrices de légendes », Mélanges de linguistique romane offerts à Jean Haust, Liège, 1939, PP- 355-373-

54. A Trêves, la découverte, sous la cathédrale, de la double basilique, élevée vers 326 sur l'emplacement d'un palais constantinien, a donné du poids à la tradition qui voulait qu'Hélène, mère de Constantin, ait cédé son palais à l'évêque pour en faire une église dédiée à saint Pierre.

55. Les mots sont soulignés dans le texte.

56. Id.