ANNALES DE DÉMOGRAPHIE HISTORIQUE 1991 Société de Démographie Historique - E.H.E.S.S. Paris, 1991

LA PRÉSENCE DES GRANDS -PARENTS TIENT AUTANT A LA FÉCONDITÉ ET A LA NUPTIALITÉ QU'A LA MORTALITÉ

par Hervé LE BRAS

Sans doute, à cause de leur âge assez avancé, on imagine d'habitude que la survie des grands-parents dépend pour l'essentiel du niveau de la mortalité. On a même pensé utiliser les proportions observées d'orphelins de parents et grands- parents pour estimer ce niveau de mortalité. Or, comme on va le montrer ici, les âges au mariage des hommes et des femmes, ainsi que le régime de fécondité peuvent jouer un rôle aussi important que celui de la mortalité. La présence des grands-parents caractérise alors le régime démographique dans son ensemble. On verra d'ailleurs en conclusion qu'elle peut même résulter des liaisons entre la mortalité et la nuptialité, comme le modèle auto-régulateur en donne un exemple.

Pour mieux illustrer ces faits, supposons que hommes et femmes se marient à l'âge X et aient leurs enfants exactement E années après. Dans ces conditions ultrasimplifiées, l'écart d'âge entre un enfant et n'importe lequel de ses grands- parents sera de 2X+2E. La probabilité de survie de n'importe lequel des grands- parents sera :

S(2X+2E) / S(X+E)

Ainsi, une variation de l'âge des parents à la naissance de leurs enfants, soit de X+E, se répercutera vivement sur la probabilité de survie, et entrera en concurrence avec les variations de mortalité qui modifient les valeurs de S.

Ce raisonnement ignore la variabilité des divers termes-âge au mariage de la femme, écart d'âge avec le mari, durée du mariage au moment de la naissance des enfants. Comme le risque de mortalité s'accroît exponentiellement (loi de Gompertz), des "effets de bord" vont apparaître. Nous entendons par ce terme le fait qu'une augmentation de l'écart d'âge peut avoir une très grande influence sur la survie des grands-parents si l'on atteint des valeurs élevées de l'âge donc de la mortalité. Or, on atteint ces valeurs élevées d'autant plus souvent que la variabilité de chacune des composantes de l'écart d'âge entre l'enfant et l'un de ses grands- parents augmente. Le raisonnement en moyenne pour introduire la discussion doit donc vite être abandonné pour prendre en compte ces variabilités multiples.

Des formules mathématiques peuvent être fabriquées qui décrivent la combinaison de ces différents facteurs dans les probabilités de survie des grands- parents, mais, en raison des diverses causes de variabilité, il est plus facile de mener les calculs avec des microsimulations. Nous commencerons par présenter le modèle de simulation utilisé, puis nous combinerons en premier lieu les types de mortalité et de fécondité générale, et dans un second temps nous y ajouterons les écarts d'âge des époux. Nous terminerons par une remise en cause de l'indépendance des différentes distributions, c'est-à-dire du principe le plus simple de simulation.