ANNALES DE DÉMOGRAPHIE HISTORIQUE 1988 Société de Démographie Historique - E.H.E.S.S. Paris, 1989.

LE CONTROLE DE LA FECONDITE EN MILIEU PREALPIN

L'EXEMPLE DE PAROISSES PROTESTANTES DANS

LE PAYS GLARONAIS (XVIIIe-XIXe SIÈCLES)

par Anne-Lise HEAD

Toute société qui désire contrôler sa croissance démographique dispose d'un faisceau important de moyens lui permettant d'atteindre ses objectifs. L'on peut répartir les options utilisées en deux grandes catégories d'importance très inégale. La première catégorie de mesures vise à limiter le nombre des êtres humains qui verront le jour, les mécanismes régulateurs lui permettant d'atteindre cet objectif incluant aussi bien le relèvement de l'âge au mariage, la variation du taux de nuptialité que le contrôle de la fécondité. L'autre possibilité, encore mal étudiée dans les sociétés anciennes de l'Europe, n'influence que très indirectement la natalité : elle vise à limiter les effectifs d'une population par le biais de la mortalité en modifiant sensiblement les effectifs qui survivront à la petite enfance. Cette modalité - que je qualifierai d'archaïque - et dont on ne sait encore, pour le moment, si elle est imputable à une intention délibérée de limiter la taille de la famille ou à d'autres facteurs a été largement pratiquée, à certaines époques, concurremment avec un âge élevé au mariage et un célibat très important, par un segment de la société glaronaise que nous avons étudiée, à savoir la population catholique1.

Dans les lignes qui vont suivre, je bornerai mon examen au seul régulateur de la fécondité en milieu protestant, me proposant de revenir dans une autre étude sur l'ensemble des moyens mis en œuvre par les sociétés des XVIIIe et XIXe siècles pour contrôler la dimension des familles qui les composent.

Le choix de la documentation

L'objet de cette brève étude est de préciser les modalités de déclin de la fécondité dans un canton rural et préalpin et dont la population, bien que tôt industrialisée, il est vrai, est cependant peu susceptible, en raison de l'absence de ville sur son territoire, d'avoir été la bénéficiaire d'un "modèle diffusioniste de l'innovation [...] apparaissant d'abord dans les villes et contaminant ensuite les chaumières"2.

L'analyse portera principalement sur l'une des cinq paroisses du pays glaronais qui ont fait l'objet d'une reconstitution des familles, à savoir celle de Mollis pour laquelle