UN SYSTEME DE PROTECTION SOCIALE EFFICACE

EXEMPLE DES VIEUX FERMIERS DE L'ILE-DE-FRANCE (XVIP-DEBUT XIXe SIECLE)

par Jean-Marc MORICEAU

Dans la France d'Ancien Régime, le sort de la vieillesse restait essentiellement l'affaire des familles et secondairement celle de la charité paroissiale. L'obligation filiale tenait lieu d'assistance sociale et les conditions matérielles offertes au dernier âge variaient sensiblement d'une couche sociale à une autre, sur un fond de médiocrité ordinaire. A cette grisaille générale, particulièrement accentuée dans le monde rural, une catégorie bien étroite de vieux cultivateurs paraît avoir échappé. L'âge venu, les grands fermiers du coeur du Bassin Parisien s'étaient ménagé, au cours du cycle familial, un statut avantageux, comparable sous certains aspects à celui qu'octroyait souvent la bourgeoisie urbaine. Quels en étaient les contours et les fondements essentiels ? Marquait-il un retrait véritable de l'activité professionnelle ? Accordait-il des attributions spécifiques à l'intérieur du milieu familial ?

Chez ces puissants laboureurs où le critère économique reste fondamental, le statut de la vieillesse ne saurait être isolé du groupe social ni de ses structures familiales propres. A cet égard, deux remarques préalables s'imposent :

• Malgré une indéniable hiérarchie interne, le milieu des gros fermiers constitue un groupe homogène et solidaire dans la société rurale des campagnes parisiennes. La direction de grandes exploitations — beaucoup dépassent les trois charrues avec plus d'une centaine d'hectares — , l'importance du capital de culture exigé et la très large ouverture au marché des grains et des fourrages distinguaient nettement au-dessus des simples cultivateurs, ces ' 'marchands- laboureurs" ou "fermiers-laboureurs" abondamment pourvus jusqu'en 1789 de titres d'honneur et de monopoles économiques, recettes de dîmes et de droits seigneuriaux. Des "amodiateurs de seigneurie" du XVIe siècle aux "propriétaires cultivateurs" du XIXe, les enchaînements d'alliance régulièrement renouvelés entre familles renforçaient l'unité économique par la solidarité dynastique. C'est parmi les dynasties les plus notables de ces "élites rurales" choisies