Recherche quantitative originale – Étude descriptive des liens entre les hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances et l’itinérance au Canada

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Rebecca Plouffe, M.S.P.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs *; Rochelle White, M.S.P.Note de rattachement des auteurs 2Note de rattachement des auteurs *; Heather Orpana, Ph. D.Note de rattachement des auteurs 1Note de rattachement des auteurs 3; Vera Grywacheski, M.S.P.Note de rattachement des auteurs 1

https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.5.02f

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Attribution suggérée

Article de recherche par Plouffe R et al. dans la Revue PSPMC mis à disposition selon les termes de la licence internationale Creative Commons Attribution 4.0 International

Rattachement des auteurs
Correspondance

Rebecca Plouffe, Centre de surveillance et de recherche appliquée, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa (Ontario)  K1A 0K9; tél. : 437-326-9306; courriel : rebecca.plouffe@phac-aspc.gc.ca

Citation proposée

Plouffe R, White R, Orpana H, Grywacheski V. Étude descriptive des liens entre les hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances et l’itinérance au Canada. Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada. 2024;44(5):232-242. https://doi.org/10.24095/hpcdp.44.5.02f

Résumé

Introduction. L’objectif de cette analyse est de décrire les caractéristiques démographiques du patient, le contexte, les caractéristiques et les conséquences de l’intoxication liée à la consommation de substances ainsi que les troubles de santé mentale consignés chez les personnes ayant un logement et chez celles en situation d’itinérance.

Méthodologie. Les données sur l’hospitalisation au Canada (à l’exclusion du Québec) du 1er avril 2019 au 31 mars 2020 ont été extraites de la Base de données sur les congés des patients de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) à l’aide des codes de la CIM-10-CA pour jusqu’à 25 diagnostics d’intoxication liée à la consommation de substances, l’itinérance et d’autres caractéristiques ayant trait à l’hospitalisation du patient. À l’aide du test du khi carré, de tests t et de la méthode exacte de Fisher, nous avons comparé les caractéristiques des personnes en situation d’itinérance à celles des personnes ayant un logement ainsi que les caractéristiques de leur hospitalisation pour intoxication liée à la consommation de substances.

Résultats. La proportion d’hommes, de jeunes et de personnes ayant des troubles de santé mentale consignés était plus forte chez les personnes en situation d’itinérance hospitalisées pour une intoxication liée à la consommation de substances que chez leurs homologues ayant un logement. Les intoxications liées à la consommation de substances chez les personnes en situation d’itinérance étaient plus susceptibles d’être accidentelles, d’être causées par des opioïdes et des stimulants (le plus souvent le fentanyl et ses analogues ainsi que l’héroïne), d’entraîner une hospitalisation plus longue et de se conclure par un départ de l’hôpital contre l’avis du médecin.

Conclusion. Ces résultats sont utilisables pour renforcer les stratégies et les interventions visant à réduire les méfaits liés à la consommation de substances dans les populations prioritaires, en particulier les personnes en situation d’itinérance.

Mots-clés : opioïdes, surdose, fentanyl, logement, trouble de santé mentale, hospitalisation

Points saillants

  • Les personnes sans abri étaient largement surreprésentées parmi les personnes hospitalisées pour intoxication liée à la consommation de substances.
  • Au cours de l’année financière 2019-2020, les personnes en situation d’itinérance qui ont été hospitalisées pour intoxication liée à la consommation de substances ont passé, en moyenne, environ quatre jours de plus à l’hôpital que les personnes ayant un logement.
  • Près du quart (23 %) des hospitalisations de personnes en situation d’itinérance se sont conclues par le départ du patient contre l’avis du médecin, comparativement à 8 % des hospitalisations de personnes ayant un logement.
  • Il serait important d’effectuer des études pour aider les hôpitaux à trouver des façons de retenir et de traiter cette population à risque.
  • La recherche peut également être utile pour d’autres activités de prévention et de réduction des méfaits.

Introduction

Le Canada est toujours aux prises avec une crise de surdoses, et la morbidité et la mortalité liées à la consommation de substances ont augmenté considérablement depuis 2016Note de bas de page 1. Entre janvier 2016 et décembre 2020, il y a eu 24 671 hospitalisations pour intoxication aux opioïdes et 11 176 hospitalisations pour intoxication aux stimulants au Canada (à l’exclusion du Québec)Note de bas de page 1. Bien que la plupart des régions du pays aient été touchées, la Colombie-Britannique, l’Alberta et l’Ontario connaissent toujours le plus grand nombre d’hospitalisations pour intoxication aux opioïdes et aux stimulantsNote de bas de page 1. Certaines sous-populations semblent être touchées de façon disproportionnée par la crise des surdoses, notamment les personnes en situation d’itinérance ou d’insécurité en matière de logementNote de bas de page 2.

Le taux de consommation de substances est disproportionnellement élevé chez les personnes en situation d’itinérance, et celles-ci présentent un risque plus élevé de méfaits liés à la consommation de substances par rapport aux personnes ayant un logementNote de bas de page 3Note de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7. Les personnes sans abri sont également plus susceptibles que les personnes ayant un logement de recevoir un diagnostic de trouble de santé mentale, de rester hospitalisées plus longtemps et d’être réadmises dans les 30 jours suivant leur sortieNote de bas de page 4Note de bas de page 5Note de bas de page 6Note de bas de page 7Note de bas de page 8Note de bas de page 9.

En moyenne, au moins 235 000 personnes chaque année, et au moins 35 000 chaque nuit, sont en situation d’itinérance au CanadaNote de bas de page 2. À l’échelle du pays, 50 000 personnes de plus pourraient être en situation d’itinérance cachée chaque nuit, c’est-à-dire qu’elles séjournent temporairement chez des amis, des parents ou d’autres personnes parce qu’elles n’ont aucune autre option de logement et aucune perspective immédiate de logement permanentNote de bas de page 2. Le nombre de personnes en situation d’itinérance au Canada est très difficile à estimer, mais on pense qu’il est en hausse, sans doute en raison des pertes d’emploi et des expulsions pendant et depuis la pandémie de COVID-19Note de bas de page 2Note de bas de page 10Note de bas de page 11.

L’objectif de cette analyse est de comparer le profil des hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances au Canada (à l’exclusion du Québec) chez les personnes ayant un logement et chez les personnes en situation d’itinérance, à l’aide de la Base de données sur les congés des patients (BDCP) de l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS), et ce, pendant l’année prépandémique du 1er avril 2019 au 31 mars 2020. Cette étude explore également les tendances en fonction des caractéristiques démographiques des patients (sexe et âge), du contexte de l’intoxication (substances en cause et intention derrière l’intoxication), des caractéristiques et des résultats de l’hospitalisation (durée du séjour, admission dans une unité de soins intensifs et statut à la sortie) ainsi que des troubles de santé mentale consignés.

À notre connaissance, il s’agit de la première étude comparant, à partir de cette source de données, les caractéristiques des personnes en situation d’itinérance et celle des personnes ayant un logement qui ont été hospitalisées pour intoxication liée à la consommation de substances au Canada. Les résultats de cette étude sont utilisables pour mieux comprendre la façon dont l’itinérance, la santé mentale et les méfaits liés à la consommation de substances se recoupent, ainsi que les expériences différentes que les sans-abri ont des soins hospitaliers.

Méthodologie

Source des données

Nos données sont tirées de la BDCP, qui consigne les dossiers de congé des patients après une hospitalisation de courte durée au Canada, à l’exclusion du Québec. En 2019-2020, les données de la BDCP recouvraient l’ensemble des hospitalisations dans une unité de soins de courte durée, sauf pour les établissements n’ayant pas soumis de données pendant six périodes (nombre total estimé de 1 100 résumés manquants)Note de bas de page 12. Les données sont présentées pour la période du 1er avril 2019 au 31 mars 2020. Les codes de la Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, Dixième révision, Canada (CIM-10-CA) ont été utilisés pour saisir jusqu’à 25 diagnostics à partir des données d’hospitalisation du patient.

Détermination de l’échantillon d’étude

La méthode utilisée pour recenser les intoxications liées à la consommation de substances a été adaptée à partir de méthodes de l’ICIS existantesNote de bas de page 13Note de bas de page 14. Le personnel formé à la codification a examiné les dossiers médicaux et attribué des codes de la CIM-10-CA spécifiques à chaque substance conformément aux directives de codification de l’ICISNote de bas de page 13Note de bas de page 15. Les intoxications liées à la consommation de substances sont consignées dans le dossier d’un patient en fonction des analyses toxicologiques, de l’autodéclaration ou de la réponse au traitement reçu (par exemple, inversion des effets d’une intoxication aux opioïdes après l’administration de naloxone). Les intoxications ont été incluses pour notre étude si elles étaient dues aux substances suivantes : opioïdes (T40.0, T40.1, T40.2, T40.20 à T40.23, T40.28, T40.3, T40.4, T40.40, T40.41, T40.48, T40.6), stimulants (T40.5, T43.6), cannabis (T40.7), hallucinogènes (T40.8, T40.9), alcool (T51), autres dépresseurs (T42.3, T42.4, T42.6, T42.7) et médicaments psychotropes (T43.8, T43.9).

Cette analyse a été limitée aux intoxications significatives, c’est-à-dire aux cas où l’intoxication a influencé la durée de l’hospitalisation du patient et le traitement qu’il a reçu. Les diagnostics secondaires et les diagnostics non confirmés ou potentiels ont donc été exclus.

Autres variables

Itinérance

Toute mention du code Z59.0 de la CIM-10-CA dans un résumé de congé d’un patient a été utilisée pour consigner les cas confirmés ou non confirmés et soupçonnés d’itinérance. L’itinérance au moment de l’admission à l’hôpital doit obligatoirement être codée lorsqu’elle a été consignée par le médecin ou notée lors de l’examen systématique du dossier médical.

Intention derrière l’intoxication

L’intention derrière l’intoxication a été déterminée conformément aux normes de codification de l’ICIS, où les codificateurs attribuent un code CIM-10-CA de cause externe indiquant si l’intoxication a été accidentelle (X41, X42, X45), intentionnelle (X61, X62, X65) ou indéterminée (Y11, Y12, Y15). Les diagnostics confirmés et soupçonnés ont été inclus dans l’analyse de l’intention. Les dossiers dans lesquels il manquait un code de cause externe associé à une ou plusieurs intoxications ont été exclus des analyses de l’intention.

Troubles de santé mentale consignés

Conformément à la méthodologie de l’ICIS, les troubles de santé mentale consignés ont été recensés sur la base de tout diagnostic pertinent de la CIM-10-CA consigné dans le résumé de congé du patient pendant son séjour pour intoxication liée à la consommation de substancesNote de bas de page 15Note de bas de page 16. Il est obligatoire de consigner le diagnostic d’un trouble de santé mentale si le fait que le patient présente ce trouble a une incidence importante sur le traitement qu’il reçoit, nécessite un traitement allant au-delà du maintien de l’état préexistant ou augmente la durée du séjour à l’hôpital d’au moins 24 heures.

Tous les codes de la CIM-10-CA pour un trouble de santé mentale figurant dans le résumé de congé du patient ont été saisis, qu’il s’agisse de diagnostic confirmé ou soupçonné. Les troubles suivants ont été inclus : troubles liés à la consommation de substances et à la dépendance (F10 à F19, F55, F63.0), schizophrénie et autres troubles psychotiques (F20 à F25, F28, F29), troubles de l’humeur (F30 à F34, F38, F39, F53.0, F53.1), troubles d’anxiété (F40, F41, F93.0 à F93.2, F94.0), certains troubles de la personnalité et du comportement (F60 à F62, F68 [sauf F68.1], F69) et autres troubles de santé mentale (F42 à F45, F48.0, F48.1, F48.8, F48.9, F50 à F52, F53.8, F53.9, F54, F59, F63 [sauf F63.0], F68.1, F90 à F92, F93.3, F93.8, F93.9, F94.1, F94.2, F94.8, F94.9, F95, F98.0, F98.1 à F98.5, F98.8, F98.9, F99, O99.3). Parmi les « autres troubles de santé mentale » couverts par ces codes de la CIM-10-CA, mentionnons les troubles hypocondriaques, les troubles de l’alimentation, les troubles du sommeil non organiques, les troubles des conduites et l’état de stress post-traumatique.

Durée du séjour à l’hôpital et statut à la sortie

La durée totale du séjour à l’hôpital a été calculée comme étant la somme du nombre de jours pendant lesquels un patient a été hospitalisé en unité de soins de courte durée et de ceux pendant lesquels il a reçu d’autres types de soins. La durée d’hospitalisation en soins de courte durée correspond à une situation où un patient reçoit le traitement nécessaire pour une maladie ou un épisode de maladie grave pendant une courte période et les autres types de soins correspondent à une période où un patient occupe un lit, mais n’a pas besoin de l’ampleur des services fournis dans ce milieu de soins.

Le statut à la sortie fait référence au statut du patient à sa sortie de l’hôpital ou à l’endroit où ce dernier est dirigé après sa sortie, cette information étant obtenue à partir du dossier d’hospitalisation du patient.

Analyses

Nous avons effectué des analyses descriptives des hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances chez les personnes en situation d’itinérance ainsi que chez les personnes ayant un logement (afin d’avoir une catégorie de référence). Pour calculer le pourcentage d’hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances associées à un trouble de santé mentale consigné en particulier, la population totale à l’étude a été utilisée comme dénominateur, ce qui fait que les pourcentages peuvent dépasser 100 % lorsqu’ils sont additionnés en raison d’intoxications à plusieurs substances et de diagnostics de troubles de santé mentale multiples. Les effectifs de moins de cinq par catégorie désagrégée ont été supprimés conformément à la politique de respect de la vie privée de l’ICISNote de bas de page 17.

Nous avons utilisé le test du khi carré de Pearson pour établir les associations significatives entre le statut résidentiel et les variables nominales, et la méthode exacte de Fisher lorsque les effectifs attendus pour une cellule étaient inférieurs à cinq. Le test t de Satterthwaite a, quant à lui, été utilisé pour analyser les différences en fonction du statut résidentiel pour les variables continues.

Toutes les analyses ont été réalisées à l’aide du progiciel de statistiques SAS Enterprise Guide, version 7.1 (SAS Institute, Cary, Caroline du Nord, États-Unis).

Résultats

Entre avril 2019 et mars 2020, il y a eu 10 659 hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances au Canada (à l’exclusion du Québec). Environ 6 % (623) de ces cas concernaient des personnes en situation d’itinérance.

Caractéristiques démographiques des patients

Parmi les personnes hospitalisées pour une intoxication liée à la consommation de substances, une plus grande proportion d'hommes (71 %) que de femmes (29 %) étaient en situation d'itinérance, mais un peu plus de femmes (53 %) que d'hommes (47 %) avaient un logement (tableau 1). Parmi les personnes hospitalisées pour une intoxication de ce type, l’âge moyen des personnes en situation d’itinérance était inférieur à l’âge moyen de leurs homologues ayant un logement (39,2 ans contre 42,5 ans; p < 0,001) (figure 1).

Tableau 1. Caractéristiques démographiques des patients hospitalisés pour une intoxication liée à la consommation de substances, selon leur statut résidentiel (personnes en situation d’itinérance et personnes ayant un logement), Canada (à l’exclusion du Québec), avril 2019 à mars 2020
Caractéristiques démographiques Personnes en situation d’itinérance
% (n)
Personnes ayant un logement
% (n)
Statistique t (ddl) Statistique X2 (ddl)
Sexe (% et n)Note de bas de page ** s.o. s.o. s.o. 132,8 (1)
Femmes 29 (182) 53 (5 316) s.o. s.o.
Hommes 71 (441) 47 (4 715) s.o. s.o.
Âge moyen, en annéesNote de bas de page ** 39,2 42,5 5,88 (803,49) s.o.
Âge médian, en années 37 40 s.o. s.o.
Figure 1. Groupes d’âge des patients hospitalisés pour intoxication liée à la consommation de substances, selon le statut résidentiel (personnes en situation d’itinérance et personnes ayant un logement), Canada (à l’exclusion du Québec), avril 2019 à mars 2020
Figure 1. La version textuelle suit.
Figure 1 - Équivalent textuel
Groupes d’âge des patients hospitalisés pour intoxication liée à la consommation de substances, selon le statut résidentiel (personnes en situation d’itinérance et personnes ayant un logement), Canada (à l’exclusion du Québec), avril 2019 à mars 2020
Catégorie d'âge Pourcentage d’hospitalisations chez les personnes en situation d'itinérance Pourcentage d’hospitalisations chez les personnes ayant un logement
0 à 19 ans 2 % 11 %
20 à 29 ans 23 % 19 %
30 à 39 ans 33 % 18 %
40 à 49 ans 20 % 14 %
50 à 59 ans 14 % 16 %
60 à 69 ans 6 % 11 %
70 ans et plus 2 % 9 %

Caractéristiques de l’hospitalisation et de la sortie d’hôpital

Les personnes sans abri sont restées à l’hôpital significativement plus longtemps pour une intoxication liée à la consommation de substances que celles ayant un logement (11,0 jours contre 6,6; p < 0,05) (tableau 2). La proportion de personnes hospitalisées admises aux soins intensifs ne différait pas entre les deux groupes de population, mais les personnes en situation d’itinérance ont eu une durée moyenne de séjour plus longue pour d’autres types de soins que celles ayant un logement (3,7 jours contre 0,8; p < 0,05). De plus, 8 % des personnes ayant un logement et 23 % de celles sans abri (p < 0,001)ont quitté l’hôpital contre l’avis du médecin. Il n’y avait aucune différence entre les deux groupes de population dans la proportion de personnes décédées pendant leur hospitalisation pour intoxication liée à la consommation de substances.

La majorité (68 %) des personnes ayant un logement qui ont été hospitalisées pour intoxication liée à la consommation de substances ont été renvoyées chez elles à leur sortie de l’hôpital. En comparaison, 49 % des personnes hospitalisées qui étaient en situation d’itinérance au moment de leur admission et qui ont refusé un hébergement à leur sortie ont été « renvoyées chez elles », ce qui laisse entendre que ce résultat doit être interprété avec prudence.

Tableau 2. Caractéristiques de l’hospitalisation et de la sortie d’hôpital en cas d’intoxication liée à la consommation de substances chez les personnes en situation d’itinérance et chez les personnes ayant un logement, Canada (à l’exclusion du Québec), avril 2019 à mars 2020
Caractéristiques de l’hospitalisation et de la sortie d’hôpital Personnes en situation d’itinérance Personnes ayant un logement Statistique t (ddl) Statistique X2 (ddl)
Durée moyenne du séjour (ÉT), jours
Soins de courte durée à l’hôpitalNote de bas de page * 7,3 (13,9) 5,8 (12,3) −2,58 (683,31) s.o.
Autre type de soinsNote de bas de page * 3,7 (35,7) 0,8 (9,0) −2,05 (626,94) s.o.
Durée totale du séjourNote de bas de page * 11,0 (40,7) 6,6 (17,5) −2,68 (636,32) s.o.
Admission aux soins intensifs, en % 38 36 s.o. 0,7 (1)
Statut à la sortie, en % (n)
Renvoi à domicileNote de bas de page aNote de bas de page ** 49 (306) 68 (6 829) s.o. 95,0 (1)
TransfertNote de bas de page bNote de bas de page * 24 (149) 21 (2 069) s.o. 3,9 (1)
Sortie contre l’avis du médecin, absence ou non-retour après congé temporaireNote de bas de page ** 23 (142) 8 (786) s.o. 165,2 (1)
Décès à l’hôpital 4 (26) 4 (352) s.o. 0,8 (1)

Substances en cause dans l’hospitalisation pour intoxication

Les opioïdes ont été le type de substance le plus fréquemment en cause dans les hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances (tableau 3), mais dans une plus grande proportion chez les personnes en situation d’itinérance (61 %) que chez les personnes ayant un logement (40 %; p < 0,001). Les stimulants, comme la cocaïne et la méthamphétamine, ont également été en cause dans une plus grande proportion d’hospitalisations chez les personnes sans abri (29 %) par rapport aux personnes ayant un logement (19 %; p < 0,001). En revanche, d’autres dépresseurs, comme les benzodiazépines et d’autres sédatifs, ont été plus fréquemment en cause dans les hospitalisations de personnes ayant un logement (39 %) par rapport aux personnes en situation d’itinérance (19 %; p < 0,001).

Lorsqu’un opioïde était en cause dans une hospitalisation pour intoxication, le fentanyl et ses analogues étaient plus fréquents chez les personnes en situation d’itinérance que chez celles ayant un logement (34 % contre 20 %; p < 0,001), et de même pour l’héroïne (15 % contre 7 %; p < 0,001). En revanche, l’oxycodone, la codéine et l’hydromorphone étaient significativement plus prévalentes dans les hospitalisations de personnes ayant un logement.

Il n’y avait pas de différence selon le statut résidentiel dans le pourcentage d’hospitalisations pour intoxication dans lesquelles une, deux ou trois substances ou plus étaient en cause.

Tableau 3. Substances en cause dans les hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances chez les personnes en situation d’itinérance et chez les personnes ayant un logement, Canada (à l’exclusion du Québec), avril 2019 à mars 2020
Substances Personnes en situation d’itinérance
% (n)
Personnes ayant un logement
% (n)
Statistique X2 (ddl)
Substance en cause
OpioïdeNote de bas de page ** 61 (377) 40 (4 056) 97,6 (1)
Stimulant du SNCNote de bas de page ** 29 (182) 19 (1 953) 34,8 (1)
Autre dépresseur du SNCNote de bas de page ** 19 (118) 39 (3 897) 98,8 (1)
AlcoolNote de bas de page * 18 (114) 23 (2 300) 7,1 (1)
CannabisNote de bas de page * 4 (24) 6 (594) 4,6 (1)
Hallucinogène Note de bas de page a < 1 (35) s.o.
Autre psychotrope ou non spécifique Note de bas de page a 1 (67) s.o.
Opioïde en cause
Fentanyl et analoguesNote de bas de page ** 34 (130) 20 (792) 46,8 (1)
HéroïneNote de bas de page ** 15 (57) 7 (272) 35,5 (1)
Méthadone 6 (22) 8 (341) 3,0 (1)
OxycodoneNote de bas de page ** 3 (13) 10 (393) 16,2 (1)
CodéineNote de bas de page ** 3 (11) 10 (424) 22,1 (1)
HydromorphoneNote de bas de page ** 2 (7) 10 (393) 25,8 (1)
Tramadol Note de bas de page a 3 (115) s.o.
Morphine Note de bas de page a 7 (284) s.o.
OpiumNote de bas de page b 0 (0) < 1 (8) s.o.
Autre/non préciséNote de bas de page * 41 (154) 35 (1 415) 5,4 (1)
Nombre de substances en cause
1 74 (463) 77 (7 702) 1,9 (1)
2 20 (126) 19 (1 870) 1,0 (1)
≥ 3 5 (34) 5 (464) 0,9 (1)

Intention derrière l’intoxication

Une proportion plus élevée d’hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances ont été consignées comme étant de nature accidentelle chez les personnes sans abri par rapport aux personnes ayant un logement (62 % contre 45 %; p < 0,001) (tableau 4). La proportion d’hospitalisations consignées comme relevant d’un geste intentionnel était plus grande chez les personnes ayant un logement (46 % contre 26 % pour les personnes en situation d’itinérance; p < 0,001). Cette tendance a également été observée chez les femmes et les hommes séparément, l’ampleur des différences étant toutefois variable.

Tableau 4. Intention derrière l’intoxication liée à la consommation de substances dans les hospitalisations chez les personnes en situation d’itinérance et chez les personnes ayant un logement, Canada (à l’exclusion du Québec), avril 2019 à mars 2020
IntentionNote de bas de page a Hospitalisations chez les personnes en situation d’itinérance
% (n)
Hospitalisations chez les personnes ayant un logement
% (n)
Statistique X2 (ddl)
Total
AccidentelleNote de bas de page ** 62 (382) 45 (4 519) 62,5 (1)
Geste intentionnelNote de bas de page ** 26 (162) 46 (4 551) 90,2 (1)
Non déterminéeNote de bas de page * 12 (76) 10 (949) 5,0 (1)
Femmes
AccidentelleNote de bas de page ** 54 (97) 38 (1 986) 18,6 (1)
Geste intentionnelNote de bas de page ** 37 (67) 56 (2 928) 24,6 (1)
Non déterminée 10 (18) 8 (398) 1,4 (1)
Hommes
AccidentelleNote de bas de page ** 65 (285) 54 (2 532) 19,8 (1)
Geste intentionnelNote de bas de page ** 22 (95) 35 (1 620) 29,9 (1)
Non déterminée 13 (58) 12 (550) 0,9 (1)

Troubles de santé mentale consignés

Des troubles de santé mentale ont été consignés pendant l’hospitalisation pour intoxication liée à la consommation de substances dans une plus grande proportion chez les personnes en situation d’itinérance par rapport aux personnes ayant un logement (61 % contre 52 %; p < 0,001) (tableau 5). Les troubles de santé mentale les plus souvent consignés pour ces deux populations étaient les troubles liés à la consommation de substances et à la dépendance, bien qu’une proportion significativement plus élevée de personnes sans abri que de personnes ayant un logement aient reçu ce diagnostic (51 % contre 25 %; p < 0,001). Des troubles de l’humeur (21 % contre 11 %; p < 0,001) et des troubles d’anxiété (9 % contre 3 %; p < 0,001) ont été consignés dans une proportion plus élevée chez les personnes ayant un logement qui ont été hospitalisées pour intoxication liée à la consommation de substances par rapport à leurs homologues en situation d’itinérance.

Tableau 5. Troubles de santé mentale consignés pendant les hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances chez les personnes en situation d’itinérance et chez les personnes ayant un logement, Canada (à l’exclusion du Québec), avril 2019 à mars 2020
Trouble de santé mentale Personnes en situation d’itinérance
% (n)
Personnes ayant un logement
% (n)
Statistique X2 (ddl)
Total
Tout trouble de santé mentaleNote de bas de page ** 61 (380) 52 (5 196) 20,0 (1)
Troubles liés à la consommation de substances et à la dépendanceNote de bas de page aNote de bas de page ** 51 (319) 25 (2 509) 206,6 (1)
Troubles de l’humeurNote de bas de page bNote de bas de page ** 11 (68) 21 (2 122) 37,6 (1)
Troubles d’anxiétéNote de bas de page cNote de bas de page ** 3 (18) 9 (865) 25,4 (1)
Schizophrénie et autres troubles psychotiquesNote de bas de page dNote de bas de page ** 4 (28) 2 (236) 11,2 (1)
Certains troubles de la personnalité et du comportementNote de bas de page e 8 (51) 7 (694) 1,5 (1)
Autres troubles de santé mentaleNote de bas de page fNote de bas de page * 9 (53) 12 (1 232) 7,9 (1)
Femmes
Tout trouble de santé mentaleNote de bas de page * 64 (117) 56 (2 971) 5,0 (1)
Troubles liés à la consommation de substances et à la dépendanceNote de bas de page aNote de bas de page ** 48 (87) 21 (1 135) 71,2 (1)
Troubles de l’humeurNote de bas de page bNote de bas de page ** 15 (27) 26 (1 392) 11,9 (1)
Troubles d’anxiétéNote de bas de page cNote de bas de page * 6 (11) 11 (592) 4,7 (1)
Schizophrénie et autres troubles psychotiquesd,Note de bas de page gNote de bas de page * 5 (9) 2 (96)  
Certains troubles de la personnalité et du comportementNote de bas de page e 14 (25) 11 (565) 1,8 (1)
Autres troubles de santé mentaleNote de bas de page f 14 (25) 15 (814) 0,4 (1)
Hommes
Tout trouble de santé mentaleNote de bas de page ** 60 (263) 47 (2 223) 25,2 (1)
Troubles liés à la consommation de substances et à la dépendanceNote de bas de page aNote de bas de page ** 53 (232) 29 (1 373) 103,8 (1)
Troubles de l’humeurNote de bas de page bNote de bas de page ** 9 (41) 15 (729) 12,1 (1)
Troubles d’anxiétéNote de bas de page cNote de bas de page ** 2 (7) 6 (273) 13,9 (1)
Schizophrénie et autres troubles psychotiquesNote de bas de page d 4 (19) 3 (140) 2,4 (1)
Certains troubles de la personnalité et du comportementNote de bas de page eNote de bas de page ** 6 (26) 3 (128) 14,1 (1)
Autres troubles de santé mentaleNote de bas de page f 6 (28) 9 (417) 3,2 (1)

La stratification selon le sexe a révélé des différences importantes dans la répartition des hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances associées à divers troubles mentaux. Il était significativement plus probable que des troubles liés à la consommation de substances et à la dépendance (48 % contre 21 %; p < 0,001) ou des troubles schizophréniques et d’autres troubles psychotiques (5 % contre 2 %; p < 0,05) soient consignés chez les femmes en situation d’itinérance par rapport à leurs homologues ayant un logement. À l’inverse, il était significativement plus probable que des troubles de l’humeur (26 % contre 15 %; p < 0,001) et des troubles d’anxiété (11 % contre 6 %; p < 0,05) soient consignés chez les femmes ayant un logement par rapport aux femmes sans abri.

Une tendance semblable a été observée chez les hommes, la différence la plus importante entre les deux groupes ayant été relevée dans les diagnostics de trouble lié à la consommation de substances et à la dépendance : parmi les hommes en situation d’itinérance, 53 % ont reçu ce diagnostic, comparativement à 29 % des hommes ayant un logement (p < 0,001). Il était plus probable que des troubles de l’humeur (15 % contre 9 %; p < 0,001) et des troubles d’anxiété (6 % contre 2 %; p < 0,001) soient consignés et moins probable que certains troubles de la personnalité et du comportement (3 % contre 6 %; p < 0,001) soient consignés chez les hommes ayant un logement par rapport aux hommes sans abri.

Analyse

Dans les hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances, les hommes et les jeunes adultes étaient surreprésentés parmi les personnes en situation d’itinérance par rapport à la population ayant un logement. Des études antérieures ont fait état d’une proportion plus élevée d’itinérance chez les hommes que chez les femmesNote de bas de page 2Note de bas de page 18. Cependant, des données récentes laissent entendre que beaucoup plus de femmes que d’hommes pourraient être en situation d’itinérance cachée, ce qui entraînerait une classification erronée de la situation des femmes en matière de logementNote de bas de page 19. L’âge moyen inférieur des personnes en situation d’itinérance hospitalisées pour une intoxication liée à la consommation de substances que nous avons observé dans cette étude reflète probablement un âge plus jeune des personnes sans abriNote de bas de page 2.

Nous avons constaté qu’une proportion plus élevée des hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances parmi les personnes en situation d’itinérance étaient consignées comme étant de nature accidentelle plutôt que relevant d’un geste intentionnel, et que les opioïdes et les stimulants, notamment le fentanyl et ses analogues ainsi que l’héroïne, étaient le plus souvent en cause dans les intoxications menant à une hospitalisation. Le fait qu’une grande proportion de ces intoxications sont accidentelles est probablement attribuable à l’augmentation de la quantité de fentanyl et de ses analogues dans l’approvisionnement en drogues illicites (non réglementées). Ces substances ont une puissance élevée et sont de plus en plus mélangées à d’autres substances contrôléesNote de bas de page 20Note de bas de page 21Note de bas de page 22. Les personnes hospitalisées ne savaient peut-être pas que la substance consommée contenait également du fentanyl ou ses analogues, elles avaient peut-être mélangé des substances pour atténuer les symptômes de sevrage ou pour amplifier leur expérienceNote de bas de page 23 ou encore la dose était peut-être plus élevée que prévu et a entraîné une intoxication accidentelle.

La durée d’hospitalisation pour intoxication liée à la consommation de substances était plus longue chez les personnes en situation d’itinérance que chez les personnes ayant un logement, soit en moyenne respectivement 11 et 6,6 jours. Ce résultat peut s’expliquer par les taux accrus de maladies infectieuses, de maladies chroniques et de problèmes de santé physique à long terme qui prévalent chez les personnes sans abriNote de bas de page 24Note de bas de page 25, ainsi que par le taux accru de troubles de santé mentale, comme nous l’avons relevé dans notre étude. Il est également possible que les personnes hospitalisées aient reçu un traitement pour des états comorbides, ce qui a pu prolonger la durée du séjour. De plus, il est possible que la durée de séjour pour d’autres types de soins ait été différente entre les deux populations car les hôpitaux n’ont peut-être pas d’options pour le congé des patients en situation d’itinérance.

Enfin, les personnes sans abri étaient plus susceptibles que celles ayant un logement de quitter l’hôpital contre l’avis du médecin ou avant que leur sortie ait été officiellement autorisée par un professionnel de la santé. Cette constatation concorde avec les résultats d’études antérieures ayant relevé que les personnes quittant l’hôpital contre l’avis d’un médecin sont plus susceptibles d’être jeunes, de sexe masculin et en situation d’itinéranceNote de bas de page 26Note de bas de page 27. Choi et ses collaborateursNote de bas de page 26 ont relevé que les personnes quittant l’hôpital contre l’avis du médecin présentaient un taux accru de réadmission dans les 14 jours suivants et de décès dans les 12 mois suivants. Ce constat particulier a d’importantes répercussions pour les milieux de soins cliniques qui cherchent des moyens de réduire le nombre de patients qui quittent l’hôpital contre l’avis des médecins et ainsi de réduire les préjudices, les décès et les coûts connexes et d’accroître la satisfaction à l’égard des soins de santé.

Points forts et limites

À notre connaissance, cette analyse est la première à porter sur les caractéristiques des hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances chez les personnes en situation d’itinérance au Canada. La BDCP comprend les données sur les sorties des patients des établissements de soins de courte durée de toutes les provinces et de tous les territoires, à l’exception du Québec, et offre donc une couverture étendue de la population visée par l’étude.

Celle-ci comporte toutefois des limites. Premièrement, cette analyse ne portait que sur les hospitalisations de courte durée, et le profil des intoxications liées à la consommation de substances est variable selon les milieux de soins de santé. Par exemple, les intoxications moins graves sont susceptibles d’être traitées par les services médicaux d’urgence ou au service des urgences, ce qui fait que de ne pas inclure ces milieux de soins de santé pourrait entraîner une sous-estimation de la prévalence globale des intoxications liées à la consommation de substances. Si le profil de choix de l’endroit où recevoir des soins de santé pour ces intoxications et le profil des personnes qui sont admises à l’hôpital varient en fonction du statut résidentiel, il est possible que les résultats ne reflètent pas adéquatement les véritables différences.

De plus, les données sur les personnes décédées avant leur admission à l’hôpital n’ont pas été saisies, ce qui pourrait avoir orienté cette analyse vers des cas moins graves ou des situations où l’aide était plus facilement accessible.

L’unité d’analyse était la sortie de l’hôpital plutôt que la personne avec son épisode complet de soins. Ainsi, certaines personnes ont pu être réadmises plusieurs fois pendant la période d’étude, ce qui aura été comptabilisé comme des hospitalisations multiples. Les personnes admises plusieurs fois peuvent avoir des caractéristiques spécifiques qui ne sont pas présentées dans notre étude.

Une autre limite est que la détermination du statut d’itinérance peut avoir été tirée de renseignements autodéclarés. Or certains patients ont pu ne pas vouloir divulguer leur itinérance ou n’ont peut-être pas pu le faire en raison d’une incapacité ou du décès, ce qui a pu entraîner une classification erronée. De même, il n’a été possible de définir le statut résidentiel que sous forme binaire, c’est-à-dire en situation d’itinérance ou non. Il faudrait dresser un portrait plus nuancé et inclure les situations de logement instable, la mauvaise qualité de logement, le surpeuplement ou les situations antérieures d’itinérance pour bien comprendre l’impact des conditions de logement. Comme l’exigence de consigner le statut d’itinérance dans les dossiers de congé d’hôpital est relativement nouvelle, il n’a pas été possible d’effectuer une analyse des tendances.

La détermination de l’intention derrière l’intoxication reposait également sur des renseignements autodéclarés, ce qui peut introduire un biais si les patients ne veulent pas ou ne peuvent pas divulguer ces renseignements. Les intoxications ont été classées comme accidentelles sauf si d’autres intentions avaient été clairement consignées, ce qui a pu entraîner une surreprésentation des intoxications accidentelles. Il n’a pas été possible, dans toute l’analyse effectuée, de déterminer quelles intoxications étaient attribuables à des opioïdes pharmaceutiques et quelles intoxications étaient attribuables à des opioïdes illicites (ou non réglementés) ou à une combinaison des deux, ce qui nuit à la capacité d’élaborer des interventions ciblées pour réduire les méfaits associés aux substances provenant de différentes sources.

Les estimations des troubles de santé mentale consignés ne reflètent pas la prévalence globale des troubles de santé mentale chez les personnes hospitalisées pour intoxication liée à la consommation de substances, mais plutôt la prévalence des troubles de santé mentale consignés en lien avec le séjour du patient à l’hôpital.

Enfin, les vétérans des Forces armées canadiennes sont de deux à trois fois plus susceptibles de se retrouver en situation d’itinérance que la population générale, et l’absence d’indication du statut militaire dans ces données nuit à la capacité de fournir une compréhension complète des liens entre service militaire, situation en matière de logement et intoxications liées à la consommation de substancesNote de bas de page 28.

Répercussions

La pandémie de COVID-19 a accentué les disparités en matière de santé, en particulier au sein des populations difficiles à atteindreNote de bas de page 2Note de bas de page 3Note de bas de page 4. Il y a également eu, partout au Canada, une augmentation du nombre de personnes en situation d’itinérance ainsi qu’une hausse du nombre d’intoxications liées à la consommation de substancesNote de bas de page 2Note de bas de page 10Note de bas de page 11. Bien que nous ayons analysé une période antérieure à la pandémie, les résultats de notre étude pourraient être utilisés à l’appui de mesures visant à réduire les méfaits liés à la consommation de substances grâce au renforcement des infrastructures sociales et de santé publique, car les gens subissent encore les effets à long terme associés à la pandémie de COVID-19 ainsi que d’autres répercussions économiques.

Ces résultats mettent en lumière la nécessité pour les professionnels de la santé, les chercheurs et les décideurs de mieux comprendre comment se recoupent l’itinérance, la maladie mentale et les méfaits liés à la consommation de substances. Ils peuvent également donner une orientation aux intervenants de secteurs qui interagissent avec des personnes en situation de logement précaire. En particulier, nos résultats montrent comment les méfaits liés à la consommation de substances et les soins en milieu hospitalier peuvent différer pour les personnes ayant un logement par rapport aux personnes en situation d’itinérance, comme en fait foi la forte proportion d’hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances qui se sont conclues par un départ contre l’avis du médecin. Cette différence dans les soins peut être attribuable à divers facteurs, comme le fait que les soins ne répondent pas aux besoins de cette population ou encore de la méfiance ou d’une stigmatisation. Il pourrait donc être pertinent de poursuivre les recherches afin de réduire les obstacles aux soins pour les personnes sans abri.

Conclusion

Comparativement aux personnes ayant un logement, les personnes sans logement qui sont hospitalisées pour une intoxication liée à la consommation de substances sont plus susceptibles d’être jeunes, d’être de sexe masculin et d’avoir un trouble de santé mentale consigné. Une plus grande proportion des hospitalisations pour intoxication liée à la consommation de substances chez les personnes sans logement étaient accidentelles et mettaient en cause des opioïdes et des stimulants, en particulier le fentanyl et ses analogues ainsi que l’héroïne. Enfin, l’hospitalisation des personnes sans logement due à une intoxication liée à la consommation de substances a duré plus longtemps et était plus susceptible de se conclure par un départ de l’hôpital contre l’avis du médecin.

Ces constatations soulignent l’importance d’être conscient des recoupements entre la maladie mentale, la consommation de substances et la situation en matière de logement lorsqu’on envisage des options pour lutter contre les méfaits liés à la consommation de substances. Les études futures devraient viser à déterminer comment les soins en milieu hospitalier et d’autres services sociaux peuvent optimiser le soutien afin de prévenir des méfaits supplémentaires liés à la consommation de substances.

Remerciements

Nous remercions l’Institut canadien d’information sur la santé d’avoir recueilli et fourni les données utilisées dans le cadre de cette étude, ainsi que Patrick Hunter et Nan Zhou d’Infrastructure Canada pour leur contribution et leur soutien à ce projet.

Certains éléments de cet article ont déjà été publiés par le gouvernement du Canada; nous avons obtenu la permission de les reproduire. Nous avons communiqué avec tous les principaux contributeurs, qui ont accepté cette publication.

Financement

Ces travaux de recherche n’ont reçu aucune subvention de la part d’un organisme de financement des secteurs public, commercial ou sans but lucratif.

Conflits d’intérêts

Aucun à déclarer.

Contributions des auteurs et avis

  • RP : recherche, organisation des données, méthodologie, analyse formelle, rédaction de la première version du manuscrit.
  • RW : recherche, organisation des données, méthodologie, analyse formelle, révisions et relectures.
  • HO : conception, supervision, révisions et relectures.
  • VG : conception, supervision, validation, révisions et relectures.

Certaines sections de cet article sont fondées en partie sur l’information et les données compilées et fournies par l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS). Toutefois, les analyses et les conclusions présentées ici ainsi que les opinions et les déclarations contenues dans l’article sont celles des auteures et ne reflètent pas nécessairement la position de l’ICIS ou du gouvernement du Canada.

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