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  • Le chemin des estives by Charles Wright, et: Trois jours et trois nuits: le grand voyage des écrivains à l’abbaye de Lagrasse éd. par Nicolas Diat
  • Michel Gueldry
Wright, Charles. Le chemin des estives. Flammarion, 2021. ISBN 978-2-0802-3646-3. Pp. 356.
Diat, Nicolas, éd. Trois jours et trois nuits: le grand voyage des écrivains à l’abbaye de Lagrasse. Fayard/Julliard, 2021. ISBN 978-2-260-05523-5. Pp. 358.

Deux ouvrages nous parlent de spiritualité étoilée de chaleureuses rencontres en France rurale. Wright, journaliste franco-britannique, relate son “mois mendiant” (24), initiation au dépouillement pour son noviciat jésuite. Suivant la règle, il est accompagné dans sa quête (aux deux sens du terme): Benoît Parsac, lui aussi novice tardif dans la quarantaine mais d’une vocation plus ancrée, est son interlocuteur et souffre-douleur durant “sept cent kilomètres” (47). Cheminant sur le GR4 d’Angoulême à Notre-Dame des Neiges, ils rencontrent méfiance et générosité, portes closes et tables ouvertes, vies apaisées et destins mutilés, silences et confessions... Faim, soif, courbatures, ampoules, routes surchauffées et pistes raides martèlent leur quotidien mais cette pauvreté choisie “libère du somnambulisme et de la pesanteur” (265). Ils sillonnent une France cantonale “des bouts de ficelle” (136) qui lutte économiquement, “épuisée, à bout de force” (102). Humbles et paysans frappent par leur densité humaine. Solitudes et peines se confient, “miracle de ces rencontres éphémères” (146). Dans une prose piquetée d’élégance, Wright partage sa joie des “cœurs qui s’épanchent” (153), des paysages, et des vaches débonnaires (148). Las de “cette comédie sociale” (19), il cherche “ces régions du silence” (23) et “un dessaisissement de la maîtrise” (74). Il partage son passé: “comédie professionnelle” (79), amours vaines, débâcle familiale, puis “percée” de la révélation du Christ qui montre “que le fond du réel est pailleté d’or comme les icônes des orthodoxes” (81). Il n’a rien et veut effacer ses traces, comme les “anciens ermites taoïstes qui gommaient leur passé et cultivaient le secret” (62), comme l’eau qui coule (329). Il puise dans Rimbaud, de Foucault, Thoreau et d’autres rebelles mystiques car “la vie errante est une ivresse” (49) et “cette vie au seuil de l’instant [lui] procure une allégresse continuelle” (171). Le christianisme institutionnel, clérical, bourgeois le rebute; il cherche “la religion de la vie intense, un grand éclat de rire” (121), “une voie de transformation de l’être, une doctrine de l’éveil, un chemin de liberté” (252) où l’on oublie “tous les savoirs” et les mots (259). Wright se veut pauvre mais fréquente richement Cioran, Pourrat, Vialatte, et évoque Sylvain Tesson et Immortelle Randonnée (2013) de Jean-Christophe Rufin. Après cette spiritualité nomade, l’enracinement: près de Carcassonne, la magnifique abbaye de Lagrasse, refondée par Charlemagne en 779, “un an après la bataille de Roncevaux” (190), accueillit en 2020–2021 quatorze écrivains célèbres pour trois jours et trois nuits. Chacun contribue un chapitre. Pascal Bruckner admire ces moines qui “ont décidé de mourir à ce qui n’est pas essentiel”, leur “gentillesse déroutante” et leur [End Page 230] “ferveur sans fanatisme” (32–33), puis s’insurge contre les faiblesses françaises contre l’islam radical. Sylvain Tesson signe un chapitre perceptif et énergique. Frédéric Beigbeder laisse percer quelques moments de conscience mais retombe vite dans ses vomis habituels. Boualem Sansal, “athée en recherche de Dieu” (289), offre un texte profond, personnel, émouvant, alors que la COVID l’a empêché de s’y rendre. Jean-Paul Enthoven, “mécréant [...] matérialiste” (150, 152), ressent aussi “une intense nostalgie de la foi et de la grâce” (152) et propose donc “vingt-deux allers-retours à travers l’éternité” (en fait 21) (145). Jean-Marie Rouart aussi navigue “du visible à l’invisible” (169). Nous avons, dit-il justement, perdu toute compréhension de l’ancienne “foi collective” (172); nous percevons mal cette...

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