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Réda, Jacques. Des écarts expérimentaux. Montpellier: Fata Morgana, 2015. ISBN 9782 -85194-925-7. Pp. 137. 19 a. Pour communiquer un savoir sans passer par les mathématiques, la vulgarisation scientifique élabore souvent des scénarios où la puissance de l’analogie et de l’imagination le dispute à la rigueur des théories vérifiables par l’expérience. À partir du seizième siècle, la poésie a tenu dans ce domaine un rôle de premier plan, avant que cette espèce littéraire ne finisse par disparaître au moment où (par une ironie dont seul le sort est capable) Darwin élaborait son principe de sélection naturelle. Depuis, sauf exceptions dont Queneau constitue sans doute la plus notable dans le domaine français, jamais plus la poésie ne s’est piquée de traduire pour le lecteur curieux une pensée savante. Or depuis une petite dizaine d’années, Réda propose la visite détaillée d’une sorte de Jurassic Park où les lois les plus en pointe, les hypothèses les plus ébouriffantes et les théories les moins intuitives de la physique sont passées au tamis de la poésie en vers. Après le triptyque de La physique amusante (Gallimard, 2009–14), paraissent Des écarts expérimentaux, où la prose prend le relai de l’alexandrin. Pour Réda, il ne s’agit pas de se substituer aux scientifiques ou à leurs vulgarisateurs les plus talentueux, mais de choisir, à travers quelques exemples tirés de la vie quotidienne et d’expériences personnelles, le moyen d’appliquer ce qu’il croit avoir compris des principes de la grande et mystérieuse mécanique universelle.Ainsi la description d’un réel perçu sous l’effet du phénomène de décohérence rend-elle plus excitante la descente à pied de la rue Ménilmontant. L’existence de trous du continuum espace-temps à échelle réduite explique, au moins à titre provisoire, la brusque disparition de plusieurs paires de lunettes. L’isotropie théorique de l’espace, les contraintes de l’électromagnétisme et de la gravitation, le principe d’incertitude de Heisenberg sont tour à tour convoqués pour rendre compte d’un réel soudainement moins banal qu’il n’en a l’air. On se doute bien que tout cela est à prendre avec une dose d’humour. Réda ne se prive pas d’en user, et c’est même là un des écarts les plus visible de cette étrange manière d’expérimenter un savoir sur le monde. Cependant, l’ouvrage se fonde sur une autre ambition, qui consiste à faire coïncider le travail de ceux que Réda nomme ailleurs les poètes les plus vertigineux de notre temps (autrement dit les physiciens) avec une pensée personnelle, élaborée poétiquement depuis plus de cinquante ans. C’est ainsi que dans ce volume se raffine une théorie générale du battement pour laquelle la “matérialité turbulente mais impassible” de l’univers “réfléchit l’effervescence de nos cerveaux et de nos passions”(44). Ces Écarts expérimentaux fournissent aux lecteurs assidus de Réda une pièce supplémentaire au puzzle que constitue son œuvre; ils forment pour le néophyte une excellente entrée en matière, sans qu’il soit dans un cas comme dans l’autre nécessaire d’être savant. Metropolitan State University of Denver Jean-François Duclos 248 FRENCH REVIEW 90.1 ...

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