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Reviews 203 L’idéal de l’intégrité dicterait conjointement chez Rohmer l’approche du corps et le traitement du matériau image-son. Le respect ontologique du réel n’excluant pas que tel détail soit amoureusement “proposé” (plutôt qu’“imposé”) au spectateur (35), le corps ne saurait en même temps souffrir de déformation ou de coupure qui puisse en compromettre la beauté. La délicatesse règne au filmage, sans quoi “le désir de la prise est abus de pouvoir” (52). Ainsi, d’un film à l’autre le retour d’acteurs (Béatrice Romand, Fabrice Luchini,Amanda Langlet,Serge Renko...) paraît-il un gage de fidélité; le corps de l’acteur est pour l’auteure“d’autant plus rohmérien qu’il appartient exclusivement à cet univers” (74). Ce sera un corps beau et jeune de préférence, pris dans la singularité et préservé du grégarisme des foules. Car si l’œuvre tourne autour du motif du viol d’intimité, aucune vulgarité ne saurait être tolérée. D’où peut-être cette pudeur devant le nu féminin, auquel Rohmer semble préférer le corps drapé (105). Fins ou musclés, les corps sont célébrés in fine non par “jeunisme”, mais parce qu’une représentation de “la vie en devenir” peut seule éviter la “sclérose intellectuelle et affective” (172). Dès lors, à la faveur d’épiphanies et de petits miracles quotidiens surgit la fusion rêvée de la chair et de l’esprit, les gestes corporels “dévoil[ant] une vérité énigmatique que le discours autorisé cherche à bâillonner ou ne sait exprimer” (273). Soucieux de profondeur plutôt que de contexte, Éric Rohmer, corps et âme est avant tout un essai d’interprétation exemplaire. Autant cette activité herméneutique émerveille par sa richesse et sa compréhension globale de l’œuvre, autant elle menace d’entraîner la désaffection en cherchant dans le champ visible la métaphore, le renvoi interne, le clin d’œil. L’entretien assez anecdotique figurant en annexe mis à part, l’ouvrage tient superbement dans sa volonté de donner à voir chez Rohmer, fidèle surtout à lui-même, le “balancement entre l’insistance de la chair et la dérive des mots” (273). Johns Hopkins University (MD) Derek Schilling Ferroukhi, Ismaël, réal. Les hommes libres. Int. Tahar Rahim, Mahmud Shalaby, Lubna Azabal, Michel Lonsdale. Pyramide, 2011. Paris, 1942. Younes, personnage de fiction à l’image de tant d’anonymes, survit grâce à son petit commerce de cigarettes au marché noir. Arrêté par la police, il est contraint d’accepter un accord: espionner le quotidien de la Grande Mosquée de Paris contre sa liberté et de l’argent. Car la police, au service de la Gestapo, soupçonne la mosquée de trafic de faux papiers d’identité ainsi que d’aide aux Juifs ou aux résistants. Là, il rencontre le recteur de la mosquée, Si Kaddour Ben Ghabrit, représentant du Sultan du Maroc, ainsi que Salim Halali, joueur de darbouka et chanteur de musique malouf. Younes apprend rapidement que le chanteur, protégé par le recteur de la mosquée, est d’origine juive. Se liant d’amitié, Younes renonce à l’accord forcé par la police et se transforme à son niveau en“résistant”. Il participe aux actions des immigrés syndicalisés qui luttent secrètement pour la libération de la France, dans l’espoir d’une future libération des pays africains colonisés. Mis à part Younes, les personnages principaux du film ont réellement existé. Quant à ce dernier, même s’il est personnage de fiction, il n’est pas si loin du réel puisque quelques cas de résistants musulmans ont été documentés. Malgré des critiques cinématographiques plus ou moins tièdes, le film présente un immense intérêt historique en plus d’un grand charme artistique et d’une belle prouesse technique. Ce que, d’après leurs votes d’appréciation, les spectateurs du grand public ont bien reconnu. Le départ du projet...

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