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  • Pour Djaout
  • Mustapha Benfodil (bio)

Le poème « Pour Djaout » ci-dessous aura décidément connu plusieurs vies, sous différents avatars, après avoir longtemps sommeillé dans un profond « coma littéraire ». L'histoire de ce texte a commencé par une annonce du comité d'organisation des Poésiades de Béjaïa qui voulait dédier la 5ème édition de ce festival (prévu pour le mois de juillet 1993) à la mémoire de Tahar Djaout, cible d'un attentat terroriste le 26 mai 1993. J'avais écrit un long poème de 11 feuillets dactylographiés intitulé « À la santé de la République ! ». Le titre se voulait un toast métaphorique, fier et provocateur, un toast d'indignation, même en buvant le calice de la mort. L'esprit de ce texte est qu'ils avaient beau tirer sur les poètes, assassiner les poètes, emprisonner les poètes, les bannir de la Cité… l'écho de leur parole s'en trouvait décuplé, à commencer par celle de Djaout. J'ai envoyé le poème par poste et je l'ai complètement oublié. Un jour du mois d'août 1993, alors que je me trouvais en Haute-Kabylie où je faisais un stage de spéléologie dans les montagnes du Djurdjura, un ami est venu me trouver, un exemplaire du journal El Watan à la main, annonçant que mon poème avait remporté le prix spécial du jury lors de ces Poésiades. C'était ma première entrée, pour ainsi dire, « officielle », en littérature, et je le devais à Tahar Djaout. Curieusement, après cela, je n'ai fait aucune tentative de publication. L'Algérie avait basculé dans la violence de masse, les maisons d'édition périclitaient, et même les Poésiades de Béjaïa avaient accusé le coup me semble-t-il après que de nombreux artistes, poètes, journalistes et écrivains aient été contraints à l'exil, à l'image de Rachid Mimouni.

En parlant de Mimouni, je lui avais consacré mon mémoire de licence (qui avait pour sujet le « roman politique » avec, comme étude de cas, son roman, La Malédiction). En exergue de mon mémoire, j'avais [End Page 63] mis justement un extrait de ce poème écrit en hommage à Djaout. C'est tout ce qui me restait du texte de 11 feuillets que j'avais composé. L'original était entre les mains du jury, et je n'avais donc qu'une copie obtenue par calque, et que j'avais perdue au milieu de la montagne de papiers, de manuscrits et de brouillons qui envahissaient mon modeste espace de travail.

Il a fallu attendre la parution de mon premier roman, Zarta [Le déserteur], chez Barzakh, en 2000, pour que je me lance dans une vraie « carrière » littéraire. C'est ainsi que j'ai formé assez rapidement le projet de réunir une partie de mes poèmes dans un recueil et cela a donné Cocktail Kafkaïne. Le poème « Pour Djaout » figurait dans cette anthologie. J'en ai donné plusieurs lectures, dans différents festivals, rencontres littéraires, mais je n'ai jamais tenté de le publier. Ce n'est qu'à la faveur de l'intérêt témoigné à mon travail par un poète et éditeur anglais (Paul Hawkins, qui dirige la maison d'édition Hesterglock Press, basée à Bristol) que ce poème voit enfin le jour. Je ne suis pas peu fier que ces quelques mots affligés, écrits par un jeune poète en herbe il y a 25 ans, puissent rencontrer de nouveaux lecteurs grâce à votre prestigieuse revue. Merci, Tahar ! [End Page 64]

Pour Djaout

Plein de portraits jonchent ma chambreLes Exécutés d'hieret ceux de demain

Pourtant, je ne vois que le tien

Lunettes moustachues souriantesTa vie domine la vuedans ce rectangledu souvenirsouverain

L'Algérie paniquedans ton regardserein

tandis que ta voixsuit sa voievers maquiétude [End Page 65]

Mustapha Benfodil

Mustapha Benfodil was born in 1968 in Relizane, in Western Algeria...

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